La scène était attendue. Dans le sillage de la polémique médiatique suscitée par le jugement rendu, en mars, dans l’affaire des assistants parlementaires du Front national (devenu Rassemblement national), la condamnation de Nicolas Sarkozy à une peine de cinq ans d’emprisonnement, et à une inéligibilité de cinq ans également, pour des faits d’association de malfaiteurs, est l’occasion, pour une large fraction des classes dirigeantes, de relancer le procès du « gouvernement des juges ».
Au-delà de la critique du contenu de la décision de justice – critique légitime en soi, notamment lorsqu’elle est formulée par les principaux intéressés, dont c’est le droit le plus strict –, c’est, une nouvelle fois, la possibilité même pour la justice de réprimer un responsable politique de premier plan qui est remise en cause, l’ancien chef de l’Etat demandant solennellement « aux Français, qu’ils aient voté ou non pour [lui], qu’ils [le] soutiennent ou pas, d’apprécier ce qui vient de se passer ».
Au rang des arguments les plus fréquemment mobilisés par les procureurs de la tyrannie judiciaire, figure en bonne place l’opinion selon laquelle la condamnation d’un politicien par un tribunal conduirait ce dernier à se substituer au peuple souverain, seul compétent pour apprécier et, le cas échéant, sanctionner les manquements commis en relation avec l’exercice d’un mandat électoral.
Mandat simple, mais exigeant
Largement répandue dans l’espace médiatique, cette antienne ne résiste pourtant guère à l’analyse. Elle fait complètement l’impasse sur le fait que, dans une société démocratique, c’est précisément au nom du peuple – et non, comme ce fut longtemps le cas, au nom du « roy » – que la justice est rendue.
En d’autres termes, les juges sont, tout autant que les membres du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif, les représentants des citoyennes et des citoyens. Le mandat qui leur est confié est aussi simple qu’exigeant : garantir à tous et à chacun, quels que soient son statut ou sa position sociale, le respect de la légalité républicaine.
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