Avons-nous vraiment besoin de dentifrice à paillettes d’or ? D’eau de glacier en bouteille ? D’air canadien en bonbonne ou de taxis volants à Paris ? A l’heure de l’urgence climatique dans un monde en polycrise, il s’agit plutôt d’éviter que des produits et services superflus ne voient le jour.

Les exemples ci-dessus ne sont pas des biens ou services indispensables, ni même utiles, mais certains trouvent leur marché. Le seul critère de rentabilité des entreprises qui les proposent ne permet donc pas de trier entre ce qui est utile et ce qui est futile, voire dommageable. Or, dans un monde où l’énergie sera vraisemblablement de moins en moins disponible, il semble sage de privilégier les activités jugées suffisamment utiles. Les émissions de gaz à effet de serre en France doivent baisser de 40 % d’ici à 2030 par rapport à 1990 : ne faudrait-il pas allouer une partiede ce budget carbone commun à ces seules activités et services ?

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Aujourd’hui, sauf dans le cadre de l’économie sociale et solidaire, il n’y a pas de critère d’utilité à l’activité d’une entreprise. Est-ce qu’un Jet-Ski est beaucoup plus utile qu’un Pédalo (en dehors du sauvetage en mer) ? Hormis pour les gardes forestiers, une motocross est-elle beaucoup plus utile qu’un VTT ? Au vu de la difficulté à faire baisser les émissions incontestablement utiles des secteurs comme le logement, le transport de marchandises ou l’industrie, il serait pourtant logique d’éviter le CO2 futile causé par des biens et services inutiles. Mais différencier les activités souhaitables de celles non souhaitables revient à limiter la liberté d’entreprendre.

Décision collective

La loi du 1er août 2000 modifiant la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication dispose qu’il est « cependant loisible au législateur de lui apporter [à la liberté d’entreprendre] des limitations justifiées par l’intérêt général ». Sur ce principe, il est possible d’imaginer une nouvelle forme de démocratie directe et participative pour réguler la liberté d’entreprendre : les entreprises présenteraient leurs projets à un comité régional citoyen d’allocation des biens communs pour évaluation de l’utilité du service ou du produit proposés, permettant ainsi d’éviter d’allouer de l’énergie à des activités futiles et de générer des émissions de gaz à effet de serre.

Ce comité serait composé de citoyens tirés au sort et appelés pour accomplir un devoir de transition, comme les jurés aux assises. Après une formation sur les enjeux de l’énergie et du climat et sur les limites planétaires, ils seraient armés des connaissances pour comprendre les impacts potentiels de l’entreprise demanderesse sur son environnement, et pourraient émettre un avis négatif en cas de « caractère excessif de l’impact environnemental des biens et services sur le climat », comme le dispose le code de l’environnement (art. L. 229-64 à L. 229-67). Cet impact pourrait être par exemple apprécié au regard de la stratégie nationale bas carbone.

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