Même en ajoutant le poids de sa grosse doudoune noire et celui de ses boots à semelles compensées, F. ne doit pas dépasser 35 kilos. Elle a 27 ans, un visage aigu, un regard traqué et un corps d’enfant. Ce lundi 24 février, l’homme accusé de l’avoir violée comparaît devant la cour criminelle de l’Isère, à Grenoble. Il était le compagnon de sa mère. Dix ans plus tôt, F. s’était assise à cette même place, dans cette même salle d’audience, face à un autre compagnon de sa mère. Elle n’était qu’une fillette quand il avait commencé à la rejoindre dans son lit. Elle a fini par oser le dénoncer, sa mère lui en a voulu de saboter sa vie amoureuse. Il a été condamné à quinze ans de réclusion criminelle pour viols sur mineure. F. avait déjà sombré, son corps n’a plus jamais grandi.

Autour d’elle, ils sont quatre. Son avocate, l’administratrice ad hoc qui l’a suivie jusqu’à sa majorité et continue de veiller sur elle, un représentant de l’association France Victimes et le chien Tandem. Trente-cinq kilos de chaleur se pressent contre 35 kilos de détresse. Tandem est un paisible golden retriever à la robe fauve et aux paupières tombantes. Pendant les deux jours du procès, il n’a pas lâché F., couché de tout son long à ses pieds, se redressant de temps à autre pour déposer sa tête sur ses cuisses de femme-enfant secouée de tremblements, se laissant caresser, pétrir, malaxer ou marchant tranquillement à ses côtés aux suspensions d’audience. « Sans lui, murmure F., je ne sais pas si je serais venue. »

Autre jour, autre lieu. A l’unité d’accueil pédiatrique pour l’enfance en danger, installée à côté de l’hôpital de Grenoble, deux femmes gendarmes attendent l’arrivée d’un mineur retiré trois jours plus tôt à la garde de ses parents pour suspicion de violences sur lui et sa petite sœur. Tous deux ont été placés en foyer, l’acclimatation est très difficile pour le garçon de 12 ans. Il entre, accompagné d’une éducatrice. Corps verrouillé, visage hostile. « J’aime pas les gendarmes, j’aime pas les gendarmes », souffle-t-il. Ce sont elles qui ont sollicité auprès de France Victimes la présence du chien d’assistance judiciaire pour procéder à l’audition filmée du garçon, dans cette pièce spécialement aménagée. Jérôme Boulet, l’un des deux référents de Tandem, s’agenouille aux côtés du garçon. « Est-ce que tu aimes les chiens ? » « Pfft, chez nous on en a plusieurs », bougonne l’enfant. Tandem s’approche à son tour de son pas lourd, pataud. « Veux-tu qu’on aille faire un tour dehors avec lui ? » « Bah, oui. »

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