Depuis la chute du régime de Bachar Al-Assad, circuler le long de la frontière sud de la Turquie en voiture, c’est un peu s’inviter sans frapper dans la Syrie profonde, celle des petites gens, des travailleurs précaires, des familles modestes et des jeunes célibataires en quête d’un avenir meilleur. Tous ceux qui, au cours de ces treize dernières années, depuis le déclenchement de la guerre civile syrienne et de sa répression féroce, ont fui leur pays pour s’installer avec plus ou moins de bonheur chez leur voisin turc et qui ont décidé, aujourd’hui, de revenir chez eux, au plus vite, des sacs bourrés d’affaires à la main.

Ils sont là par centaines, agglutinés devant les postes-frontières d’Oncüpinar, Cilvegözü et Yayladagi, qui mènent à Alep, Idlib et Lattaquié. Les yeux brillants mais fatigués, ils patientent devant les officines mobiles des agents des services migratoires turcs, dépêchés pour la circonstance, encadrés par les gendarmes et quelques ONG venues distribuer vêtements chauds et thé. Après avoir enregistré leurs empreintes et obtenu le feu vert des services fiscaux d’Ankara, ils doivent signer une feuille dite de « retour volontaire ». Un document qui acte leur départ définitif de la Turquie.

Assise sur une couverture, devant un écran de télévision empaqueté, son fils de 9 ans à ses côtés, Racha, qui n’a donné que son prénom, comme d’autres personnes rencontrées, a le regard qui se perd dans le vague. Son mari est plus loin, quelque part dans la file d’attente du poste de Cilvegözü, le plus fréquenté des trois points de passage, ces derniers jours, avec entre 500 et 1 000 départs quotidiens. Racha dit être juste impatiente de passer de l’autre côté afin de retrouver pour la première fois en dix ans sa ville d’Alep qu’elle a quittée en plein bombardement des forces du régime. Elle venait d’avoir 19 ans. Sa maison a été détruite. « Des proches sont en train de la reconstruire », relate-t-elle.

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