La bande de Gaza n’est pas qu’un champ de ruines au sens littéral, avec la destruction totale ou partielle de près de 90 % des bâtiments, de plus de 80 % des commerces et de plus de deux tiers du réseau routier. L’enclave palestinienne est aussi un champ de ruines où gît une bonne partie du droit international, violé en toute impunité depuis un an et demi. Elle est également un champ de ruines pour les mots, qu’ils soient vidés de leur sens du fait de l’incapacité à rendre compte d’une telle catastrophe, même en abusant de superlatifs, ou, pire encore, du fait de leur mutation en leur exact opposé.

Ce processus d’inversion de la signification avait été admirablement anticipé, dès 1949, par George Orwell, lorsqu’il avait inventé la novlangue dans son chef-d’œuvre 1984. De même que « la liberté, c’est l’esclavage » sous la plume d’Orwell, certains termes en sont venus à désigner leur contraire dans la bande de Gaza dévastée.

« Victoire »

Le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, et son gouvernement ont clamé sur tous les tons leur détermination à remporter une « victoire totale » contre le Hamas, en représailles aux massacres perpétrés par la milice islamiste et ses alliés en Israël, le 7 octobre 2023. Un an et demi plus tard, les ravages infligés à la bande de Gaza n’y ont pas affaibli le Hamas, bien au contraire, car les bombardements israéliens ont porté des coups terribles aux alternatives locales au mouvement islamiste, tout en permettant à celui-ci de compenser ses pertes en recrutant massivement de jeunes militants avides de vengeance. En outre, l’interdiction par Israël de tout accès libre à la bande de Gaza pour la presse internationale a permis à la propagande du Hamas de mettre en scène de manière choquante les libérations d’otages israéliens.

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