Cinquante ans après l’entrée en vigueur de la loi Veil, la « clause de conscience » des médecins suscite toujours des questions

A chaque évolution législative relative à l’avortement, l’article du code de la santé publique précisant qu’aucun soignant « n’est jamais tenu de pratiquer une interruption volontaire de grossesse » revient dans le débat.

Les associations féministes militent pour la suppression de la clause de conscience spécifique à l’interruption volontaire de grossesse (IVG), responsable à leurs yeux de freiner l’accès à l’avortement aux femmes. Selon le code de déontologie des médecins, hors cas d’urgence vitale, tout praticien « a le droit de refuser des soins pour des raisons professionnelles ou personnelles ». On parle alors de double clause de conscience dans le cadre de l’IVG car, en vertu du code de la santé publique, un médecin « n’est jamais tenu de pratiquer une interruption volontaire de grossesse, mais il doit informer, sans délai, l’intéressée de son refus et lui communiquer immédiatement le nom de praticiens susceptibles de réaliser cette intervention ». Introduite par la loi Veil, cette clause de conscience accorde donc la possibilité aux médecins de refuser de pratiquer un avortement. C’est parce que ces deux textes coexistent que les soignants parlent d’une « double clause de conscience » concernant l’avortement.

Selon le Planning familial, cette clause de conscience participe « à unemoralisation” indue de l’avortement », alors que l’IVG devrait être « considérée comme n’importe quel acte médical faisant partie de la vie de milliers de femmes ». Cependant, cette suppression de la clause de conscience ne fait pas consensus. L’ordre des médecins comme le Collège national des gynécologues et obstétriciens français y sont opposés, ce dernier arguant que « la clause de conscience spécifique stigmatise mais (…) protège la femme, en imposant une obligation de réorientation de celle-ci vers un praticien ou un établissement de santé pratiquant l’IVG ».

La fin de cette clause a bien failli être actée. Le texte initial de la loi du 2 mars 2022 prévoyait en effet de la supprimer, mais les députés ont retiré cette disposition lors de la deuxième lecture du texte à l’Assemblée nationale.

« D’une main, la France constitutionnalise l’avortement [en mars 2024], de l’autre, elle permet aux médecins de ne pas faire… », dénonce Philippe Faucher, gynécologue et vice-président du Réseau entre la ville et l’hôpital pour l’orthogénie (Revho). « L’expression de “clause de conscience” n’existe pas, en tant que telle, dans la loi, souligne-t-il encore. En parler ainsi, c’est une manière d’enjoliver les choses pour masquer, purement et simplement, un refus de soins. »

Pour tout comprendre à ce débat, voici l’analyse de Mattea Battaglia.

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