Les faits sont saisissants, violents, scandaleux. Une voiture coupe la route à un vélo, une altercation s’en suit, puis l’automobiliste écrase sciemment le cycliste, qui meurt sous les yeux des passants choqués. Le cycliste est un militant vélo, l’automobiliste conduit un SUV Mercedes. On se croirait dans un mauvais film, mais malheureusement on est à Paris, dans le quartier de la Madeleine, le 15 octobre 2024. La victime se nomme Paul Varry.

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Ce récit choquant et révoltant déclenche une tempête médiatique. Que dit-il ? Il évoque la croissance forte de l’usage du vélo dans la capitale depuis la pandémie de Covid-19, il révèle que les aménagements de voirie sont certes nombreux mais encore insuffisants et parfois dangereux. Il révèle aussi le danger que représentent les SUV pour les piétons et les cyclistes du fait de leur gabarit et de leur poids. Mais, très vite, le débat se cristallise et devient inévitablement politique.

Les thématiques évoquées dans les débats sonnent juste. Promouvoir l’utilisation du vélo nécessite des aménagements adéquats et des voiries aux vitesses apaisées. La situation actuelle est à bien des égards encore insuffisante au niveau du partage de l’espace dévolu aux différents usagers de la route, car l’automobile garde l’essentiel de l’espace, même au centre de Paris. La dangerosité des grosses voitures en milieu urbain est démontrée par l’accidentologie depuis longtemps. Dans un contexte où l’utilisation de la voiture pour des déplacements à Paris intra-muros est devenue marginale, il est tout à fait pertinent de questionner sa présence.

Stratégies d’évitement

Pourtant, à bien des égards, les enjeux soulevés par la mort de Paul Varry sont ailleurs. Il ne s’agit pas d’un accident, mais de l’usage intentionnel d’un véhicule pour tuer. Face à de telles intentions, les aménagements (une fois encore nécessaires) ne changeront pas grand-chose. La question posée est celle de la violence et de l’agressivité des usagers de la route.

Cette violence est en premier lieu celle de l’automobiliste. Le sentiment de liberté et de puissance donné par sa voiture pousse le conducteur à donner libre cours à ses pulsions, à ses émotions et à ses humeurs. De ce fait, le conducteur est susceptible de connaître des moments de dissociation de soi, qui sont à l’origine de comportements dangereux, d’incivilités et de rixes entre usagers de la route. Ce comportement correspond à ce qui échappe en partie à la socialisation et donc au contrôle de soi.

La voiture est un espace d’expression bien souvent situé en dehors des codes sociaux et de ses exigences de civilité. L’automobiliste, isolé dans l’habitacle, se défait de sa façade publique devenue superflue, il est possible qu’il en vienne à perdre son sang-froid pour donner libre cours à des aspects de soi parfois assez sombres et asociaux.

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