La loi censée faciliter la mise en œuvre des actions de groupe, adoptée le 3 avril, a-t-elle atteint son but ? Autrement dit, les consommateurs victimes en série du même manquement d’un professionnel ont-ils intérêt à se joindre à ce recours collectif nouvelle formule, plutôt qu’à des actions individuelles groupées ?
Dans le premier cas, ils devront attendre, comme par le passé, qu’une association saisisse un tribunal, sur la base d’une dizaine de dossiers, et que le juge déclare son action recevable (ce qui peut prendre cinq ans), puis bien-fondée. Alors seulement, ils pourront s’y joindre, pour demander réparation, s’ils ont conservé les pièces prouvant qu’ils ont été lésés. Ils ne débourseront pas un centime.
Dans le second cas, ils confieront leurs pièces à un avocat qui assignera le professionnel, moyennant des honoraires réduits, s’agissant d’un contentieux de masse. S’ils perdent leur procès, ils seront condamnés à verser de l’argent à la partie adverse.
Pour Mᵉ Didier Jaubert, avocat en droit de la santé, qui a pratiqué les deux procédures, la réponse est évidente : « Mieux vaut qu’ils fassent des actions individuelles conjointes : cela ira plus vite, car il y aura moins d’obstacles que dans l’action de groupe, et, s’ils gagnent, ils seront mieux indemnisés. »
Obstacle de la recevabilité
Le principal obstacle que rencontre l’action de groupe est celui de sa « recevabilité ». « Le professionnel la conteste systématiquement », explique Mᵉ Jaubert. Cela a été le cas, par exemple, lorsqu’il a conduit, à la demande de l’Association d’aide aux victimes des accidents des médicaments, une action de groupe contre l’Androcur : « Les avocats de Bayer ont ainsi soutenu pendant cinq ans, jusque devant la Cour de cassation, que le “juge de la mise en état”, magistrat qui prépare l’instruction de l’affaire, n’avait pas le droit d’ordonner une expertise, contrairement au droit commun, ce qui est faux. »
Mᵉ Hélène Feron-Poloni, spécialiste du droit bancaire, qui a déjà engagé deux actions de groupe, contre BNP Paribas et Axa, à la demande d’associations de consommateurs, confirme que la question de la recevabilité « devient la plus grosse partie du procès », la partie adverse « faisant feu de tout bois » pour la contester.
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