La banalisation de la violence verbale « est désormais propagée partout dans l’espace public (transports en commun, établissements scolaires, monde du travail et en particulier dans les services publics, médias, classe politique, réseaux sociaux…) », alerte le Conseil économique, social et environnemental, dans un avis publié mercredi 12 février.
Le CESE, qui s’est autosaisi de la question, analyse comment les messages violents « menaçant une personne ou un groupe de personnes à cause de certaines caractéristiques liées à la “race”, la couleur, l’origine familiale, nationale ou ethnique » peuvent aboutir à un discours de haine, et souligne l’importance de s’intéresser d’abord à l’effet produit sur les victimes. « Question de préoccupation d’une société civile pour répondre aux violences et au racisme, devenus des constantes de l’actualité », justifie Souâd Belhaddad, corapporteuse avec Marie-Claude Picardat.
Sur les réseaux sociaux, « comme les écoliers, les salariés subissent du cyberharcèlement, plus qu’avant, dans trois secteurs en particulier : les médias, le sport – les membres du staff – et les jeux vidéo – les équipes de création. En 2024, on a perçu une augmentation de 16 % des propos haineux », confirme Charles Cohen, fondateur et directeur de Bodyguard, une entreprise qui a publié, le 5 février, l’Observatoire des interactions en ligne, un baromètre annuel de la cyberviolence. Insultes, dénigrement, menaces, racisme, l’analyse de 108 millions de commentaires haineux recensés en 2024 témoigne de régulières poussées de fièvre d’intolérance.
« Il y a quelque chose dans l’air du temps. Les racistes se lâchent plus facilement. Je note une augmentation du nombre de salariés qui viennent me consulter pour des comportements racistes », explique Marie-France Custos-Lucidi, psychologue clinicienne du travail et autrice du Racisme ordinaire au travail (Erès, 2024).
Perte de productivité et hausse du turn-over
Un phénomène de société qui trouve son origine dans la banalisation de la violence verbale. « Cela peut commencer par des commentaires innocents en apparence, mais qui, cumulés, créent une charge émotionnelle importante qui pèse sur la personne : “Tu parles vraiment bien français”, sous-entendu pour quelqu’un de ta culture, s’est ainsi entendue dire une salariée noire », illustre la psychologue du travail. Même chose pour le diplôme, « ce sont les manières d’être du salarié qui sont alors remises en cause et s’il vient à évoquer le racisme, on le diminue encore en lui disant : “Tu exagères, regarde, tu as pu faire un beau parcours” ».
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