Près de 1 milliard de questions… par jour. Depuis son lancement par l’entreprise OpenAI, en 2022, l’agent conversationnel ChatGPT – tout comme Copilot (Microsoft), Gemini (Google) ou DeepSeek (de l’entreprise éponyme) – voit sans cesse augmenter le nombre de ses interlocuteurs et, avec eux, celui des sollicitations formulées. Ce bavardage constant entre des humains et quelques machines se tient le plus souvent à bas bruit, dans l’intimité d’un navigateur Web ou d’une application numérique. Cependant, il ne manque pas de susciter une avalanche de questionnements qui s’étalent, eux, dans les journaux, les revues universitaires et les rayons des librairies – et qui s’adressent, cette fois, d’humains à humains.

L’une de ces interrogations, déclinée en d’innombrables formulations, pourrait être résumée ainsi : « l’intelligence artificielle (IA), outil ou menace pour la démocratie ? ». Les discussions vont bon train. Certains, comme Jean-Gabriel Ganascia, professeur à Sorbonne Université et fin connaisseur des enjeux liés à l’IA, mettent l’accent sur les risques que font peser, à terme, les grands modèles de langage préentraînés, ou « LLM » – technique sur laquelle reposent les agents tels que ChatGPT, Copilot, Gemini ou Deepseek –, sur la qualité des informations circulant au sein de nos sociétés. D’autres, comme le collectif d’experts de la Fondation Jean Jaurès réuni pour traiter les contributions citoyennes collectées lors du « grand débat national » – la réponse apportée, en 2019, par Emmanuel Macron au mouvement des « gilets jaunes » –, vantent les possibilités offertes par ces technologies pour mieux prendre en compte les voix des représentés.

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Bien sûr, si le sujet occupe tant l’espace médiatique, c’est d’abord parce qu’il y a été introduit comme argument de vente par les premiers intéressés, à savoir les acteurs du secteur des technologies numériques. Ceux-ci « se sont empressés de promouvoir leurs produits en insistant sur leurs qualités supposément prodémocratiques », relève Sébastien Broca, maître de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’université Paris-VIII. Comme souvent, Apple donne le ton : pour vanter les mérites de son premier « ordinateur personnel », le Macintosh, l’entreprise table, en janvier 1984, sur un spot publicitaire convoquant l’œuvre de George Orwell. Diffusé en prime time lors de la mi-temps du Super Bowl, le clip présente une société dystopique où des masses interchangeables sont hypnotisées par un « Big Brother » promouvant les bienfaits de la pensée unique via un écran géant, unique également. Avant qu’une jeune femme athlétique, symbole de modernité, ne vienne briser ce monopole d’influence à coups de marteau.

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