La lutte contre la pauvreté est généralement jugée morale, et vantée pour ses effets au niveau individuel et sur la cohésion sociale. Mais elle est aussi pertinente pour améliorer les finances publiques et la croissance économique, selon une étude publiée mercredi 9 octobre par le collectif Alerte, qui réunit de nombreuses fédérations et associations de solidarité. « Ces travaux montrent que l’inaction coûte très cher, comme pour le réchauffement climatique. Et qu’investir pour combattre la pauvreté est payant : à moyen terme, les recettes dépassent les dépenses », résume Noam Leandri, qui préside ce collectif.

Le cabinet de conseil en stratégie Oliver Wyman, qui a réalisé l’étude en « pro bono » (sans rémunération), revendique une approche innovante : « Nous avons évalué le coût global de la pauvreté : c’est-à-dire à la fois les dépenses directes qui y sont consacrées et les coûts indirects, qui se sont révélés énormes », expose Jean-Patrick Yanitch, directeur associé du cabinet de conseil en stratégie.

La France consacre 51 milliards d’euros par an à combattre la pauvreté, principalement par le travail social et les transferts monétaires (minimas sociaux, aides au logement…). Ces transferts ont permis de faire sortir 4,5 millions de personnes de la pauvreté monétaire (les revenus disponibles) en 2021. Mais celle-ci touchait encore 9,1 millions de personnes en 2022 selon l’Insee, soit le nombre le plus élevé atteint depuis les années 1990. Et c’est cette pauvreté non traitée qui coûte le plus à la puissance publique : jusqu’à 67 milliards d’euros par an, selon les résultats de l’étude.

Résorber les problèmes de logement les plus graves

Jean-Patrick Yanitch et son coauteur, Théodore Vauquier, se sont appuyés sur la littérature académique publiée en France et à l’étranger sur ce sujet, laquelle leur « paraît encore parcellaire », pour calculer les surcoûts générés par cette pauvreté persistante en matière de santé, d’éducation ainsi que de sécurité et de justice. Et ils y ont ajouté le manque à gagner en termes de cotisations sociales et de taxe sur la valeur ajoutée, lié à l’éloignement de l’emploi – et de la consommation – d’une majorité des personnes pauvres en âge de travailler.

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« Ces résultats montrent qu’il ne faut pas lutter contre le déficit public actuel en réduisant [les moyens alloués à] la lutte contre la pauvreté. On prendrait le risque d’augmenter les coûts indirects de la pauvreté persistante, qui sont plus importants ! », estime Noam Leandri.

L’étude préconise au contraire un effort additionnel pour combattre la pauvreté : rajouter 18 milliards d’euros de transferts monétaires, afin qu’il n’y ait plus personne au-dessous du seuil actuel de pauvreté (fixé à 60 % du revenu médian, soit 1 216 euros par mois pour une personne seule), développer l’accompagnement vers l’emploi et enfin, résorber les problèmes de logement les plus graves. Une politique que l’étude chiffre à 28 milliards d’euros la première année, un coût qui diminuerait ensuite au fil des sorties durables de la pauvreté vers l’emploi.

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