Paris est une ville qui a ses humeurs, la mine souvent maussade, toujours pressée et mal débarbouillée au réveil. Elle saute de coups de gueule en coups de génie, on le lui reproche mais elle s’en moque. Inutile de lui dire combien on la trouve belle, ça fait des siècles qu’on lui répète. Sa désignation pour les Jeux olympiques 2024 n’a déclenché aucune démonstration d’enthousiasme populaire, surtout quand les Parisiens ont réalisé que leur cité elle-même, ses monuments, son fleuve, serviraient de terrain de compétition, une première dans l’histoire des JO. Paris deviendrait une star, a-t-on entendu dire pour l’amadouer. Quelle blague. Ne l’est-elle pas déjà ?

C’est devant la télévision que les regards ont commencé à changer. Le soir de la cérémonie d’ouverture, le 26 juillet, Magali, professeure de sport parisienne, était en vacances à Oléron. Les enfants avaient la permission de minuit, la grand-mère était restée devant l’écran. Pincement au cœur à voir les bateaux s’élancer sur la Seine. Et si c’était raté ? Une débâcle honteuse devant la planète entière ? Paris lui est apparue surgie des eaux, une ville comme neuve. Magali a versé une larme. « Pourquoi je ne suis pas là-bas ? »

L’impression n’a fait que s’amplifier pendant cette première semaine de compétition. Partis vivre à Royan après une vie de travail, un couple de Parisiens à la retraite nourrissait quelques doutes. La femme, ancienne employée de banque, avait entendu « des choses terribles » avant les Jeux, elle croit même en avoir dit. « Comme tout le monde », tempère le mari, un ex-boucher.

A force de « bouillir devant la télé », c’est elle qui a fini par lâcher : « Il faut y aller. » Evidemment, ils n’ont des places pour rien, ils n’en auraient pas voulu il y a quelques jours encore. Alors, ils arpentent les quais de Seine qu’ils connaissaient par cœur, passant d’un pont à l’autre, soupirant : « Que c’est beau. »

Sensation de voir leur ville pour la première fois

Un matin, leurs pas les conduisent au Trocadéro pour se photographier devant la tour Eiffel parée des anneaux olympiques, eux, d’authentiques Parisiens. Ils sont deux parmi des milliers, des étrangers surtout, et ils s’étonnent de se sentir pareils à eux, cette sensation de voir la ville, leur ville, pour la première fois. « Comme si on était Ouzbeks ».

Pour les premiers pas du Paris olympique, une deuxième surprise vient des visiteurs internationaux, justement. Il existe, en effet, une autre catégorie d’humains aussi blasés que les Parisiens : les envoyés spéciaux, habitués à courir d’un événement mondial à l’autre, gavés d’exploits, experts en extraordinaire. Autrement dit, des durs à l’émotion.

Il vous reste 71.95% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Share.
Exit mobile version