Dans la métropole lilloise, les Français sont nombreux à passer la frontière belge pour arpenter les jardineries bon marché, faire le plein d’essence, ou, jusqu’à il y a peu, acheter leurs cigarettes, qui affichaient dans les 2 euros de moins par paquet. Désormais, on y vient pour acheter ses médicaments. « C’est là que j’ai enfin trouvé mon antidépresseur, de la venlafaxine, qui était en rupture dans plusieurs pharmacies de Tourcoing », raconte Lucie. Cette trentenaire en recherche d’emploi en prend depuis quatre ans « après avoir galéré presque une année à essayer d’autres molécules qui n’ont pas marché pour moi. Quand j’ai compris que j’allais être à court, j’ai fait une énorme crise d’angoisse, ce qui ne m’était pas arrivé depuis longtemps ». Elle appelle alors son centre médico-psychologique qui lui conseille d’aller en Belgique. Elle n’est pas la seule à faire le voyage.

« J’ai une patiente qui est allée s’approvisionner en régulateur de l’humeur – son traitement à base de lithium – en Belgique. Cela lui a coûté 100 euros pour une boîte correspondant à trois mois de traitement, le seul conditionnement existant », raconte la docteure Dorothée Hennebelle. Un montant que les patients de cette psychiatre libérale installée à Roubaix, la ville la plus pauvre de France, ne pourront pas tous avancer. D’autant qu’ils ne seront remboursés qu’après des démarches auprès de leur caisse d’assurance-maladie.

« Ce sont des traitements sur le long cours qui supposent des périodes de sevrage pouvant aller jusqu’à plusieurs mois. Sur certaines pathologies, on a très peu d’options thérapeutiques, se retrouver en rupture d’un traitement qui marche est catastrophique. Avec certains médicaments, un arrêt brutal peut provoquer des crises suicidaires », alerte la docteure Hennebelle qui, comme ses pairs, fourmille d’anecdotes. « Des collègues m’ont raconté suivre une famille où le père et la fille prennent le même traitement. A cause de la pénurie, le père s’est rationné pour que sa fille puisse avoir son dosage nécessaire ! »

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