
La « crise de régime (…) n’aura pas lieu », a assuré mardi 14 octobre Sébastien Lecornu en entamant sa déclaration de politique générale. « Certains aimeraient voir cette crise parlementaire virer à la crise de régime. Cela n’aura pas lieu grâce aux institutions de la cinquième République et à ses soutiens », a affirmé le premier ministre devant les députés dans ce discours très attendu, alors que le chef du gouvernement est menacé de censure par les oppositions. Le Monde en a sélectionné les principaux moments marquants.
Suspension de la réforme des retraites
Sébastien Lecornu a annoncé la suspension de la réforme des retraites « jusqu’à l’élection présidentielle » de 2027, qui portera à la fois sur la mesure d’âge et la durée de cotisation. « Aucun relèvement de l’âge n’interviendra à partir de maintenant jusqu’à janvier 2028, comme l’avait précisément demandé la CFDT. En complément, la durée d’assurance sera elle aussi suspendue et restera à 170 trimestres jusqu’à janvier 2028 », a-t-il martelé, répondant ainsi à une exigence exprimée par les socialistes afin d’éviter la censure.
Au moment de cette annonce, plusieurs députés socialistes ont d’ailleurs applaudi le premier ministre depuis les bancs de l’Hémicycle. Parmi eux, l’ancien président de la République, François Hollande, Philippe Brun, Christine Pirès-Beaune, ou encore l’ancien directeur de cabinet d’Elisabeth Borne à Matignon, Aurélien Rousseau. Le premier secrétaire du Parti socialiste (PS), et député de Seine-et-Marne, Olivier Faure, a applaudi Sébastien Lecornu au moment où ce dernier précisait que « la durée d’assurance sera elle aussi suspendue et restera à 170 trimestres jusqu’à janvier 2028 ». En revanche, le président du groupe socialiste, Boris Vallaud, est, lui, resté impassible à cette annonce.
La suspension de la réforme des retraites coûtera « 400 millions d’euros en 2026 et 1,8 milliard en 2027 », a néanmoins prévenu Sébastien Lecornu. « Cette suspension (de la réforme des retraites) bénéficiera à terme à 3,5 millions de Français. Elle devra donc être compensée par des économies. Elle ne pourra pas se faire au prix d’un déficit accru », a ajouté le premier ministre, proposant une Conférence sur les retraites et le travail avec les partenaires sociaux « dans les prochaines semaines » afin de discuter de « l’ensemble de la gestion du système de retraite », « améliorer les retraites des femmes » et lutter contre la pénibilité au travail.
« Cette conférence aura le temps de se prononcer avant l’élection présidentielle » en 2027, a-t-il dit devant l’Assemblée. « Si la Conférence conclut, le gouvernement transposera l’accord dans la loi et le Parlement décidera », a-t-il promis.
Le déficit « devra être à moins de 5 % » du PIB
Sébastien Lecornu ne renonce pas aux exigences budgétaires. « J’ai accepté la mission que m’a confiée le président de la République parce que la France doit avoir un budget, parce qu’il y a des mesures d’urgence à prendre sans attendre, c’est un devoir », a-t-il même déclaré en préambule de son discours de politique générale. Le chef du gouvernement se fixe un objectif : le déficit « devra être à moins de 5 % » du PIB en 2026. « Je ne serai pas le Premier ministre d’un dérapage des comptes publics », renchérit-il, réaffirmant que l’objectif de 5,4 % de déficit budgétaire sera respecté cette année. Une « panne budgétaire » et une crise « réjouiraient » les ennemis de la France, met-il enfin en garde.
Plus de recours à l’article 49.3
Sébastien Lecornu a confirmé aux députés qu’il renonçait à l’utilisation de l’article 49.3 de la Constitution. « C’est la garantie pour l’Assemblée nationale que le débat vivra, ira jusqu’au bout, jusqu’au vote. Cette décision est forte de changements radicaux », a déclaré le chef du gouvernement, évoquant le budget, « mais pas seulement ». « Le Parlement aura le dernier mot, c’est sa responsabilité (…) La loi se fera ici, pas à Bercy, a-t-il encore martelé. Cela paraît de bon sens, c’est pourtant presque une révolution. »
« Quel parlementaire dira à ses concitoyens qu’il ne veut pas discuter le budget de l’Etat, le budget social de la nation ? » Le premier ministre a, d’ailleurs, répété tout au long du discours une formule : « Le gouvernement proposera, nous débattrons, vous voterez ».
« Des anomalies » dans la fiscalité des très grandes fortunes
Sébastien Lecornu a reconnu dans son discours « des anomalies » dans la fiscalité des très grandes fortunes, souhaitant « une contribution exceptionnelle » des Français les plus riches dans le prochain budget. « Il faut reconnaître qu’il peut y avoir des anomalies » dans la fiscalité des très grandes fortunes, a déclaré le premier ministre devant les députés, alors que le Parti socialiste réclame une mesure de justice fiscale. « Nous demanderons à créer une contribution exceptionnelle des grandes fortunes que nous proposons d’affecter au financement des investissements du futur qui touchent à notre souveraineté, pour les infrastructures, la transition écologique ou la défense », a-t-il ajouté.
Un nouvel « acte de décentralisation »
Sébastien Lecornu a en outre promis mardi un nouvel « acte de décentralisation » en déposant en décembre un projet de loi « pour renforcer le pouvoir local ». « Il ne faut pas décentraliser des compétences, il faut décentraliser des responsabilités avec des moyens budgétaires et fiscaux et des libertés, y compris normatives », a affirmé le chef du gouvernement.
Nouvelle-Calédonie : les accords de Bougival dans la Constitution « avant la fin de l’année »
Le chef du gouvernement a enfin évoqué l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie dans la Constitution. « L’accord de Bougival permet un chemin de réconciliation. Il doit être transcrit dans la Constitution. Le gouvernement proposera la discussion de ce texte avant la fin de l’année, afin que les Calédoniens puissent être consultés au printemps 2026 », a annoncé le chef du gouvernement à l’Assemblée nationale durant sa déclaration de politique générale.
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Le projet de loi constitutionnelle a été présenté mardi matin en conseil des ministres. L’accord de Bougival, signé le 12 juillet, prévoit entre autres la création d’un « État de la Nouvelle-Calédonie » inscrit dans la Constitution française.