Tous les crimes n’ont pas le même écho politique. L’actualité de la rentrée l’a rappelé : le retentissement public de ces événements tragiques obéit à une alchimie en partie irrationnelle. L’épouvantable meurtre, en septembre, de Philippine, une étudiante parisienne, dont est soupçonné un ressortissant marocain déjà condamné pour viol et visé par une obligation de quitter le territoire français (OQTF), a immédiatement donné naissance à plusieurs débats au sein de la classe politique française, essentiellement sur l’immigration et la récidive. Le drame a tant bouleversé que l’Assemblée nationale a observé une minute de silence le 1er octobre.

Rien de tel pour le procès des viols de Mazan, qui détaille depuis un mois le calvaire subi par Gisèle Pelicot, conçu par son ex-époux et perpétré par une cinquantaine d’hommes. Sur cette histoire tout aussi saisissante, effrayante, les responsables politiques se montrent discrets, avares de commentaires, peu pressés d’en tirer des leçons et propositions. Malgré l’attention médiatique que suscite cette affaire, et malgré l’intérêt de la population pour ce qui se passe devant la cour criminelle du Vaucluse.

D’après un sondage publié par l’IFOP le 3 octobre (auprès d’un échantillon restreint de mille personnes), plus de huit Français sur dix ont entendu parler de ce procès, et près des trois quarts estiment qu’il témoigne de « la permanence et la banalisation des violences sexuelles dans notre société ». De quoi renforcer l’idée qu’il constitue un tournant dans la prise de conscience de cette réalité.

Le mutisme des « bons pères de famille »

Tous les dirigeants politiques ne sont pas restés silencieux sur le sujet. Les voix habituelles, engagées dans la lutte contre les violences sexuelles physiques, se sont fait entendre, avec leurs nuances, pour rappeler la prévalence d’un phénomène qui a touché 247 000 personnes en 2021 selon la dernière enquête « Vécu et ressenti en matière de sécurité » du service statistique du ministère de l’intérieur : parmi elles, Clémentine Autain (ex-La France insoumise, LFI), Aurore Bergé (Renaissance), Sarah Legrain (LFI), Laurence Rossignol (Parti socialiste), Sandrine Rousseau (Les Ecologistes), Véronique Riotton (Renaissance)… Des femmes donc, comme l’immense majorité des victimes de ces violences, 88 % selon la même enquête.

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A elles s’ajoute la parole de quelques hommes, comme François Hollande (« Nous sommes tous concernés ») et Raphaël Glucksmann (« Il ne s’agit pas d’un fait divers sordide, mais d’un fait social »), et de quelques organisations politiques : le Parti socialiste, le Parti communiste français et Les Ecologistes ont publié des communiqués sur le sujet. Ailleurs, le mutisme prévaut, et notamment à droite et au centre, dans la longue liste de prétendants à l’élection présidentielle de 2027. Le nouveau gouvernement a aussi tardé à réagir : la secrétaire d’Etat chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, Salima Saa, a seulement promis le 4 octobre un « plan de bataille » contre les violences sexuelles fin novembre.

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