
FRANCE CULTURE – À LA DEMANDE – PODCAST
« Il y a un an, en plein deuil, je découvre que j’ai un cancer du sein. A 45 ans, ma vie s’arrête net. C’est pourtant dans mon box d’hôpital, dans cet état d’immobilité soudaine et le brouillard des traitements, que la vie se met à bruisser de nouveau. » Ainsi commence Box 7, de Margherita Caron, dont la réalisation, signée Gilles Mardirossian et soutenue par la musique originale (flûte et chant) de Yann Cléry, est remarquablement élégante et sensible.
Ça commence en douceur : une maman réveille son enfant et lui prépare un chocolat chaud. Dans la cuisine, à la radio, on entend que commence l’opération Octobre rose, qui vise à sensibiliser le public contre le cancer du sein. Quelques chiffres sont donnés. On parle de progrès de la recherche. De dépistage.
Puis Margherita Caron reprend la narration : elle raconte la prise en charge à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris, où lui est prescrit un arrêt longue durée qui « sonne comme un aller sans retour », et annoncé qu’il va lui falloir faire face à une chimiothérapie intensive pendant neuf mois, suivie d’une mastectomie. Elle confie que les injonctions pourtant bienveillantes de ses proches (« Tu es forte, tu vas t’en sortir ») la rendent sceptique ou lui donnent envie de hurler.
Première chimiothérapie
On se souvient alors que c’est aussi ce qu’avait pu ressentir Clémentine Vergnaud, qui avait fait le choix, avant de s’éteindre le 23 décembre 2023 à 31 ans à la suite d’un cancer des voies biliaires, de raconter son quotidien dans « Ma vie face au cancer », un podcast de Franceinfo, où elle était journaliste.
Alors qu’elle arrive pour sa première chimiothérapie à la Pitié-Salpêtrière, box 7 donc, Margherita Caron pense au vers de Dante : « Vous qui entrez ici, laissez toute espérance. » Avec beaucoup de douceur, une infirmière lui explique le protocole. On entend le bruit des machines. On entend, aussi, ce qui ne se dit pas : l’angoisse qui monte. Margherita Caron pense à ses enfants et dit « la honte » de leur annoncer la maladie, de « leur voler leur enfance, leur insouciance ».
Compte rendus de consultation, discussions avec le personnel soignant se succèdent quand a lieu le premier rendez-vous avec l’oncologue. Cette dernière, avec une intelligence et une patience exemplaires, souligne combien il est important de ne pas parler que du médical « car on passe à côté de 90 % de la problématique ».
Margherita Caron note : « La maladie s’impose désormais dans tous mes rapports. » Et aussi : « Mais j’ai soudain le temps. Le temps de regarder et d’écouter. Je parle spontanément avec des inconnus. Ces échanges ont la même vertu : ça me guérit, autant que la chimio ou le lovestream [flux d’amour] de mes proches. » Elle songe à cette phrase de l’écrivain israélien Aharon Appelfeld : « Une blessure écoute toujours plus attentivement. »
Plus tard, elle dira qu’elle a écrit une lettre à l’écrivaine et rabbine Delphine Horvilleur et une autre à Annie Ernaux, Prix Nobel de littérature 2022. Jamais elle ne les leur adressera mais, ajoute-t-elle, elle note les phrases qui l’aident à trouver du sens. Et puis il y a la voix de celle qu’elle compare à la fée bleue de Pinocchio, cette femme, radieuse, bénévole dans le service depuis trente ans. Et c’est aussi ceci qui s’entend ici : les nécessaires soutiens du personnel soignant et l’amour de ses proches.
Box 7, à l’ombre d’un cancer du sein, création sonore de Margherita Caron, réalisé par Gilles Mardirossian (Fr., 2025, 58 min). A la demande sur France Culture et sur toutes les plateformes d’écoute habituelles.