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DISNEY+ – À LA DEMANDE – DOCUMENTAIRE

Au beatlemaniaque normalement constitué (un boomeur occidental), tout a été donné : disques, films, photographies… puis les prises alternatives et les démos, les chutes de pellicules ou de bandes vidéo et les planches-contacts. L’existence de John, Paul, George et Ringo a été chroniquée jour par jour, et – à certaines périodes – minute par minute.

Lire la critique : Avec « The Beatles : Eight Days a Week », sur Arte, un retour sur la naissance de la Beatlemania

Si bien que l’arrivée de Beatles ’64 apparaît comme un geste au mieux superflu, au pire cynique. Que montrer de plus de l’arrivée du quatuor de Liverpool aux Etats-Unis, en février 1964, invités de l’émission la plus populaire du moment, « The Ed Sullivan Show » ? Les performances musicales sont disponibles sur YouTube et les compulsifs se sont débrouillés pour visionner What’s Happening ! The Beatles in the USA, tourné sur le moment par Albert et David Maysles, dont les images fournissent une bonne part de la matière de Beatles ’64.

Pourtant, le réalisateur David Tedeschi, qui fut le monteur des derniers documentaires de Martin Scorsese (producteur de Beatles ’64), parvient à imprimer à cette nouvelle version d’une histoire si souvent racontée une dimension qui va au-delà du plaisir sans cesse renouvelé d’entendre et de voir ces jeunes gens en passe d’être déifiés. Il s’agit de démontrer que la soirée du 9 février 1964 fut, pour les Etats-Unis, un moment décisif qui transforma aussi sûrement la société américaine que l’assassinat du président Kennedy, trois mois plus tôt.

C’est un point de vue étroitement national. Au Royaume-Uni et en Europe, les Beatles étaient déjà passés du statut d’artistes de variétés à celui de phénomène de société. Ils s’étaient hissés en tête d’affiche à l’Olympia, à Paris, juste avant de prendre l’avion à Londres pour l’aéroport new-yorkais fraîchement rebaptisé du nom du président assassiné.

Démesure et fragilité

Les frères Maysles s’étant autant intéressés aux fans, qui attendaient par milliers le groupe britannique, qu’aux musiciens eux-mêmes, le film donne une idée de l’émoi qui saisit toute une ville, et bientôt tout un pays. Aux interviews hachées de sanglots et de cris des jeunes filles qui font le pied de grue devant l’Hôtel Plaza répondent les plans des Beatles cloîtrés dans leur suite, forcés d’accepter l’envahissante présence du DJ (terme qui désignait alors les présentateurs de radio) Murray the K. Le contraste entre la démesure de l’événement (73 millions d’Américains regardèrent « The Ed Sullivan Show ») et la fragilité de son organisation est saisissant.

A ce matériau d’origine, David Tedeschi a ajouté d’autres documents d’archives – dont une rencontre entre John et Yoko Ono-Lennon et Marshall McLuhan. Paul McCartney et Ringo Starr, versions chenues, égrènent leurs souvenirs –, une séquence attendrissante montre le batteur faisant le tour du propriétaire dans la garde-robe où sont entreposées ses tenues de scène devant un Martin Scorsese ravi.

Les interventions de Smokey Robinson et de Ronald Isley, créateurs respectifs de You’ve Really Got A Hold On Me et de Twist and Shout (deux titres repris par les Beatles sur leurs premiers albums) restent en mémoire. Aux côtés des teenagers aujourd’hui septuagénaires qui se remémorent leurs révoltes générationnelles, les musiciens afro-américains témoignent du rôle décisif que jouèrent les Beatles dans la déségrégation de la musique populaire américaine.

Beatles ’64, documentaire de David Tedeschi (EU-RU, 2024, 106 min). Disponible à la demande sur Disney+.

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