Comment les crises majeures de santé publique changent-elles la donne économique et politique ? C’est la question à laquelle répondait, fin janvier, une étude des économistes Carolina Arteaga et Victoria Barone (« Republican Support and Economic Hardship: The Enduring Effects of the Opioid Epidemic », Université de Toronto) dans le cadre de la crise sanitaire la plus dévastatrice de l’histoire des Etats-Unis, celle liée aux opioïdes.

Depuis 2016, plus de 700 000 personnes sont mortes d’une overdose liée à l’addiction à ces médicaments dérivés de l’opium, fabriqués par de grands groupes pharmaceutiques et prescrits en toute légalité. Cette crise a débuté en 1996, avec la commercialisation de l’OxyContin par Purdue Pharma et une campagne de marketing agressive permettant de généraliser l’utilisation de cet antidouleur.

Pour mener leur étude, les deux économistes ont épluché les documents déclassifiés lors des multiples procès contre Purdue Pharma, qui aboutirent à des amendes record et à la mise en faillite de la société en 2019. Les chercheuses ont ensuite combiné ces informations aux données publiques sur les ordonnances médicales, sur les bénéficiaires de l’aide alimentaire fédérale et sur les résultats des 40 élections présidentielles, législatives et locales depuis 1982.

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La difficulté dans une étude de ce genre consiste à aller au-delà d’une simple corrélation et à établir une véritable relation de cause à effet entre l’usage des opioïdes et la réalité économique et politique locale. Evidemment, les zones où les habitants ont plus tendance à utiliser des médicaments antidouleur, puis à en abuser, et finalement à se procurer des drogues illégales telles que l’héroïne ou du fentanyl quand il devint impossible de renouveler son ordonnance d’OxyContin, sont probablement aussi des zones où les conditions économiques sont plus difficiles, et dont les habitants sont davantage susceptibles d’occuper des métiers où ils s’exposent à des risques de douleurs chroniques, ou, plus généralement, des zones délaissées, sans accès à des centres de traitement et de désintoxication.

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