Il avait poignardé à mort le père d’un ami pour venger le suicide de ce dernier : un jeune homme a été condamné, mercredi 18 juin, à vingt-trois ans de réclusion criminelle par la cour d’assises des Landes, qui a retenu contre lui la préméditation.

Samuel Matias Batista, 28 ans, était jugé depuis lundi pour avoir asséné 32 coups de couteau à Guy Lecomte (55 ans), l’estimant responsable du suicide de son fils, Danaël, qui s’était jeté sous un train en 2015 après avoir découvert la double vie homosexuelle du quinquagénaire.

L’accusé reconnaissait les faits mais niait tout geste prémédité, disant avoir agi sous une « impulsion ». Il encourait la réclusion criminelle à perpétuité. L’avocat général avait pour sa part requis une peine de vingt-cinq ans de réclusion criminelle, jugeant la préméditation « évidente ». La cour a assorti sa décision d’un suivi socio-judiciaire de trois ans.

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Au moment du verdict, rendu après près de trois heures de délibéré, l’accusé est resté droit, bougeant la tête et faisant mine d’acquiescer. Puis il a gardé les bras croisés, petit rictus sur les lèvres. « Qu’importe le nombre d’années de détention, je les aurai amplement méritées », avait-il déclaré juste avant que le jury ne se retire.

« J’ai le sentiment que la cour a pris en considération le contexte et la personnalité de l’accusé », a réagi son avocat, Julien Plouton. « Il n’y a pas de peine de sûreté prononcée, donc la cour préserve un horizon acceptable pour un jeune homme. A priori, Samuel Matias Batista ne fera pas appel. »

« Ruminer sa colère »

Tout au long du procès, les débats ont évoqué la personnalité du défunt, qui s’adonnait à des pratiques sexuelles extrêmes (sadomasochisme, fist-fucking et copulation à l’aveugle) sur fond de consommation de drogue. C’est après avoir découvert cette double vie que son fils, Danaël, s’était donné la mort.

Dans ses réquisitions, l’avocat général a tenté de redonner à Guy Lecomte sa place de victime. « Non, Guy Lecomte n’est pas le monstre qu’on a bien voulu vous décrire », a lancé Marc Mariée aux jurés, remettant en cause le « portrait véhiculé » sur le quinquagénaire, qui ne repose selon lui que sur les affirmations de son ex-femme.

Cette dernière, qui s’était séparée de son ancien mari après le suicide, le tenait ouvertement pour responsable. Elle a partagé cette conviction avec les amis de Danaël, dont Samuel Matias Batista. « Sans aucun recul, l’accusé a absorbé cette version des faits », a fait valoir l’avocat général.

« Pendant des jours, des semaines, des mois, des années, Samuel Matias Batista va ruminer cette colère, cette haine vis-à-vis du responsable du suicide de Danaël, ce menteur, ce dépravé sexuel », jusqu’à se rendre chez Guy Lecomte, a-t-il retracé.

« A qui la faute ? »

Pour l’avocat général, l’accusé avait « prémédité son acte », envoyant, longtemps avant les faits, un message à ses amis disant avoir « quelqu’un à buter », ou bien se munissant d’un couteau avant d’aller chez la victime.

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Dans sa plaidoirie, Julien Plouton a souligné, pour sa part, les « hésitations » de l’accusé tout au long de son entretien d’une heure trente avec la victime, juste avant de passer à l’acte, pris d’une « impulsion », car il ne supportait pas « l’air hautain et narquois » qu’il avait cru déceler chez son hôte.

L’avocat a décrit deux « souffrances qui se sont télescopées », celle de l’accusé et celle de la mère de Danaël. Cette dernière s’en était prise à son défunt ex-mari mardi à la barre. « Il m’a pris mon fils avec sa perversité », avait-elle lancé. « Je suis une victime, Danaël est une victime, et Samuel est une victime collatérale, et je le dis, à qui la faute ? », avait-elle ajouté, affichant sa sympathie pour l’accusé tout au long du procès.

En réponse, Alexandre Novion, avocat de la famille de Guy Lecomte, avait fustigé « cette tentative de retourner le procès contre la victime » et dénoncé les « tas de boue » déversés « sur sa sexualité ».

Le Monde avec AFP

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