Alain Juillet est un petit homme vif, souvent drôle, qui porte gaillardement ses 82 ans. Il est entré en 1964 au service action de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), a fait l’essentiel de sa carrière à la DGSE, avant d’être nommé, à Matignon de 2003 à 2009, responsable à l’intelligence économique. Cité par l’accusation au procès sur les soupçons de financement libyen de la campagne présidentielle de 2007, le haut fonctionnaire a certes étrillé les deux intermédiaires Ziad Takieddine et Alexandre Djouhri, mais n’a en rien ébranlé la défense de Nicolas Sarkozy.
Les Libyens, vers 2005, voulaient renouveler leur flotte d’avions de chasse, a expliqué Alain Juillet. Le groupe Safran se proposait de remettre en état tous leurs appareils, y compris les MiG russes, alors que Dassault voulaient réparer ses Mirage et en vendre des neufs. « C’était une guerre franco-française, a dit le haut responsable, ce qui n’était pas très bon. » Takieddine militait pour Safran et l’intermédiaire se vantait d’être proche d’Abdallah Senoussi – le responsable des attentats de Lockerbie et du DC-10 d’UTA, numéro deux du régime. Personne n’ignorait que Tripoli voulait faire lever le mandat d’arrêt du beau-frère de Kadhafi, condamné à perpétuité en France en 1999 ; Takieddine se faisait fort d’y parvenir.
« J’ai convoqué les groupes et je leur ai dit qu’il fallait cesser cette concurrence stupide, indique le témoin. Et comme Takieddine se promenait avec une lettre qu’il disait avoir été signée par Nicolas Sarkozy, on a déjeuné ensemble. Je lui ai dit que c’était scandaleux et qu’il ne pouvait pas continuer : on ne pouvait pas gracier Senoussi. Et si le Libyen comprenait qu’il avait été trompé, ça pouvait déboucher sur du terrorisme. Takieddine a été très agressif puis, quand on lui tient tête, il se calme, c’est un animal froid. » Alain Juillet est convaincu que la lettre était un faux, « préparée par le camarade Takieddine ».
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