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Sur des vidéos largement relayées sur les réseaux sociaux, des dizaines de corps gisent, inanimés, dans le désert. Autour, des carcasses de pick-up et de véhicules calcinés, parfois encore fumants. Samedi 27 juillet, un convoi de l’armée malienne et de ses supplétifs russes du groupe Wagner est tombé dans une embuscade des rebelles indépendantistes du Cadre stratégique pour la défense du peuple de l’Azawad (CSP-DPA) près de Tin Zaouatine, une localité à cheval sur la frontière entre le Mali et l’Algérie.

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Difficile à estimer avec précision, le bilan est lourd pour les mercenaires de Wagner. Selon un chef militaire du CSP-DPA, une cinquantaine de paramilitaires ont été tués et deux faits prisonniers, ce qui fait de Tin Zaouatine la pire défaite pour le groupe depuis son arrivée au Mali, fin 2021, à la demande de la junte au pouvoir.

Lundi, quarante-huit heures après la bataille, Andriy Yusov, porte-parole du service de renseignement militaire ukrainien (GUR), a fait une déclaration qui n’est pas passée inaperçue. Lors d’une émission sur une chaîne de télévision locale, il a laissé entendre que ses services collaboraient avec les rebelles qui opèrent dans le nord du Mali. Selon lui, ceux-ci ont « reçu des informations nécessaires, et pas seulement celles qui leur ont permis de mener une opération militaire réussie contre les criminels de guerre russes ». « Nous ne parlerons certainement pas des détails pour l’instant », a-t-il ajouté.

Selon un commandant de la rébellion, des « échanges » ont effectivement lieu avec les services de renseignement ukrainiens pour voir comment coopérer. « Nous avons des liens avec les Ukrainiens, mais comme nous en avons avec tout le monde, Français, Américains et autres », reconnaît Mohamed Elmaouloud Ramadane, porte-parole du CSP-DPA. Depuis qu’ils ont été chassés par l’armée malienne et Wagner de leur fief historique de Kidal, dans le nord du Mali, en novembre 2023, les rebelles ont été contraints de se réorganiser pour poursuivre leur combat contre la junte au pouvoir à Bamako.

De leur côté, les autorités ukrainiennes, qui se disent en guerre contre la Russie sur tous les théâtres, ont fait du ciblage des paramilitaires russes un objectif stratégique. Ainsi, en novembre 2023, des vidéos rendues publiques par le Kyiv Post, le principal journal anglophone ukrainien, révélait qu’elles avaient ouvert un nouveau front en Afrique en envoyant des commandos des forces spéciales au Soudan contre les mercenaires russes qui appuient les Forces de soutien rapide (FSR), du général Mohammed Hamdan Daglo.

Drones artisanaux chargés d’explosifs

« Avec les Ukrainiens, nous faisons face à la même menace russe. Nous sommes donc naturellement amenés à être solidaires. Nous avons échangé des informations sur les capacités et le mode opératoire de Wagner. Les Ukrainiens ont promis d’aller plus loin », glisse un cadre du CSP-DPA. Selon des sources concordantes, la coopération ne se limite pas au partage de renseignements : les services spéciaux ukrainiens ont formé des rebelles maliens au maniement de petits drones artisanaux chargés d’explosifs, arme aérienne régulièrement utilisée dans leur guerre contre l’armée russe. Comme l’a révélé CNN, ce genre de drones avait déjà été utilisé contre des combattants de Wagner près de Khartoum en septembre 2023.

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D’après une source militaire malienne, des membres du CSP-DPA ont voyagé jusqu’en Ukraine pour y être formés. Selon une autre, proche de la rébellion, des combattants indépendantistes ont été entraînés directement au maniement des drones dans la région de Tombouctou (nord) au cours du premier semestre. Fort de cette nouvelle corde à leur arc, les rebelles ont utilisé ces armes aériennes contre leurs ennemis russes lors de la bataille de Tin Zaouatine, le 27 juillet. M. Ramadane, qui ne « confirme » pas ces formations au maniement des drones, assure pour sa part que « tous les moyens matériels nécessaires pour faire face à l’ennemi ont été utilisés ».

Certains cadres du CSP-DPA ont peu goûté la sortie d’Andriy Yusov et la révélation de leur coopération jusque-là secrète avec les Ukrainiens, de peur des conséquences d’une importation du conflit russo-ukrainien sur leur sol. A raison ? D’après une source militaire malienne, au moins 300 mercenaires sont arrivés à Bamako fin juillet pour renforcer les effectifs russes, qui comptent déjà plus de 2 000 hommes au Mali.

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