Mercredi 4 décembre, c’était jour de fête au Louvre-Lens. A l’occasion des célébrations de la Sainte-Barbe, patronne des mineurs, le musée nordiste inaugurait une nouvelle mouture de la galerie du Temps, ce vaste espace d’un seul tenant de 3 000 mètres carrés couvrant cinq millénaires d’histoire. Tout a été remanié, à commencer par la scénographie confiée à l’agence Atoy qui a imaginé un « fleuve du temps » serpentant dans l’espace pour relier 250 œuvres, toutes nouvelles, hormis dix rescapées du précédent accrochage. « On change les œuvres, la scénographie, mais pas le principe, la liberté, le décloisonnement », résume la directrice du musée, Annabelle Ténèze.
A son ouverture en 2012, la galerie du Temps avait défrisé les habitudes de la maison mère parisienne, où peintures et sculptures sont rangées en départements étanches, et les aires géographiques hermétiquement cloisonnées. A Lens, soudain, cinq mille ans d’histoire de l’art étaient embrassés d’un seul regard : le Moyen Age français côtoie Byzance, la Mésopotamie tutoie le monde grec. Cette muséographie révolutionnaire a très vite trouvé son public. Selon une enquête menée par l’établissement en 2019, plus de 94 % des sondés se disaient satisfaits du choix des œuvres présentées et près de 95 % d’entre eux appréciaient la scénographie.
Alors pourquoi changer ce qui marche ? D’autant que le projet scientifique reste fondamentalement le même. « On aurait parfaitement pu attendre quinze ans, vingt ans, mais on ne voulait pas attendre que la galerie du Temps ait besoin d’être refaite, qu’il y ait de la lassitude de la part du public pour la renouveler », assume Xavier Bertrand, président (Les Républicains) du conseil régional des Hauts-de-France. Il fallait aussi, à ses yeux, réinitialiser les bases du partenariat avec le Louvre. « Pendant des années, j’ai eu le sentiment qu’on devait supplier le Louvre pour avoir de belles œuvres. On a eu La Liberté guidant le peuple, de Delacroix, mais après il fallait répéter, relancer, solliciter encore et encore », se souvient l’élu. « Quand j’ai dit, lors de l’anniversaire en 2022, que le Louvre était ici chez lui et que les plus belles œuvres étaient aussi chez elles, Laurence des Cars a parfaitement compris le message. »
La patronne du Louvre a depuis envoyé à Lens certains de ses trésors : La Dentellière (1669-1670), de Vermeer, en 2023, et Le Panier de fraises des bois (1761), de Chardin, au printemps. Pour l’acte II de la galerie du Temps, la maison mère a prêté « Les Quatre Saisons » de Giuseppe Arcimboldo ainsi qu’une demi-douzaine d’imposants sphinx égyptiens. Le nouvel accrochage est désormais stabilisé pour dix ans. Les rotations seront moins fréquentes que par le passé, tous les deux à quatre ans, mais elles seront « signifiantes », promet Annabelle Ténèze. « L’idée n’est pas de changer pour changer, mais de rendre visibles ces changements, de les expliquer, de les partager. » En bref, de les transformer en événement.
Il vous reste 56.75% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.