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Histoires Web dimanche, septembre 29
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« Maman, les p’tits poissons qui vont sous l’eau ont-ils des jambes ? » Même grossièrement déformée, la comptine invite à une réponse aussi négative qu’univoque. Pourtant, le gros bêta n’est pas toujours celui que l’on croit. Deux équipes américaines viennent en effet de dévoiler le détail et les origines physiologiques et moléculaires d’une incongruité de la nature : les six « jambes » des Triglidae, mieux connus sous leur nom commun de grondins. Elles publient dans le même numéro de la revue Current Biology, du 26 septembre, deux articles aussi riches qu’étonnants.

En réalité, Nicholas Bellono, de l’université Harvard, et son collègue David Kingsley, de Stanford, n’avaient aucune intention d’étudier cette famille de poissons. Le premier venait chercher des calmars à l’aquarium de Woods Hole, dans le Massachusetts, pour ses expériences sur le toucher. Le second y était en simple visite. Mais, à ses invités, le manageur de l’aquarium Scott Bennett aime montrer ses pensionnaires les plus étranges. « Il nous a raconté qu’ils sont si doués pour détecter et découvrir des proies enfouies sur le fond marin que les autres poissons les suivent », se souvient Nicholas Bellono. Intrigué, le chercheur repart avec quelques spécimens en vue de tester leurs capacités.

Au laboratoire de Harvard, Prionotus carolinus, le merle du nord, réalise des prodiges. Il marche et déterre des petites proies enfouies par les chercheurs. Mais il détecte également des extraits de moules ou encore de simples molécules dans des capsules placées sous le sable. L’équipe lance alors des expériences pour tenter de comprendre les bases cellulaires et moléculaires de cette particularité. Sans succès. Bellono s’obstine, commande de nouveaux poissons. Cette fois, les nouveaux venus ne creusent même plus. « On pensait avoir fait quelque chose de mal, en fait c’était une autre espèce de grondin », raconte-t-il.

Deux nageoires pectorales

D’un accident, ils en font une aubaine. Désormais, l’équipe peut comparer. Elle découvre que si les deux espèces ont les mêmes jambes, elles n’ont pas les mêmes pieds. Les uns sont couverts de papilles sensibles, les autres en sont dépourvus. Tirant le fil, les limiers de Harvard dévoilent les neurones du toucher et les cellules épithéliales du « goût ». Autrement dit, de la perception chimique mise en jeu par P. carolinus qui est absente chez sa cousine non fouisseuse, P. evolans. Une étude comparative des différentes espèces de grondins à travers le monde établit que seules quelques rares espèces creusent et que la perception chimique associée n’est qu’une évolution récente.

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