La ligne de défense de Peter Cherif n’est pas toujours facile à suivre. Lorsqu’il dit vouloir s’exprimer, il garde le silence. Et quand il annonce qu’il ne parlera pas, il parle parfois. Après une première semaine consacrée à sa personnalité et aux dépositions des enquêteurs, le procès du djihadiste parisien devait entrer dans le vif du sujet, lundi 23 septembre, avec son interrogatoire sur le fond.
Mais Peter Cherif n’a pas desserré les dents de la matinée. « Je ne répondrai pas à la question », a-t-il invariablement répliqué pendant une heure, bras croisés dans son costume noir, aux questions de la cour d’assises spéciale de Paris, du ministère public et des avocats de parties civiles.
Ce vétéran du djihad, passé par l’Irak au milieu des années 2000 avant de rejoindre Al-Qaida dans la péninsule arabique (AQPA) au Yémen pendant sept ans, entre 2011 et 2018, est notamment jugé pour sa participation au recrutement par ce groupe terroriste de son ami d’enfance, Chérif Kouachi. C’est lors d’un court séjour effectué par ce dernier au Yémen, à l’été 2011, qu’AQPA l’avait recruté et formé pour commettre un attentat contre Charlie Hebdo, mission dont il s’acquittera le 7 janvier 2015.
Quelques semaines après son arrestation surprise à Djibouti, le 16 décembre 2018, Peter Cherif avait assuré aux enquêteurs français qu’il s’expliquerait devant le tribunal. Mais au deuxième jour de son procès, mardi 17 septembre, il a finalement annoncé qu’il ne répondrait à aucune question. Puis son ex-épouse religieuse, Fatma A., avait livré un témoignage accablant sur l’homme qu’il était, l’accusant de « viols » et de « séquestration », contraignant Peter Cherif à sortir de son mutisme pour corriger l’effet dévastateur de cette déposition.
« Je remercie Mme A. de m’avoir mis face à ma réalité, avait-il déclaré. Je tiens devant vous tous et devant toute la France à lui présenter mes excuses (…) Mme A. a subi effectivement certaines pressions de la part de sa famille et de moi-même, nous lui avons imposé un islam qui est en contradiction avec ce qu’enseigne notre saint Prophète (…). C’est grâce à dieu, aujourd’hui, que je peux lui dire : nous avons été injustes envers toi, injustes envers les musulmans, injustes envers les hommes (…). Je la remercie de m’avoir humilié. L’humiliation en public est une richesse. Au regard de tout ce temps que j’ai passé en détention, de mes lectures, il est obligatoire pour moi de condamner ce passé. Je vais être sincère : je n’attends rien de ce procès. Peu importe la peine que vous allez demander, c’est pour moi l’occasion d’assumer mes erreurs. »
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