Le procès des assistants du Front national au Parlement européen s’est ouvert, lundi 30 septembre à Paris, dans un épais brouillard procédural. Ainsi le veut le rituel judiciaire : la défense fait son possible pour renvoyer le procès, et quand bien même les chances sont minces, les avocats s’échauffent en posant les premières banderilles. Les 19 prévenus présents, députés européens et leurs assistants endimanchés, se sont ainsi ennuyés six longues heures sur leur banc, en dehors d’une brève présentation devant le tribunal pour vérifier leur identité, leur âge et leur adresse.

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Marine Le Pen, dans un élégant tailleur bleu nuit, a préféré, comme Bruno Gollnish, ne pas donner tout haut son adresse pour éviter quelques désagréments ultérieurs, et s’est mise à la suspension d’audience à la recherche d’une barre de chocolat. Six députés étaient absents, dont Louis Aliot, le numéro deux du parti, et Yann Le Pen, la sœur aînée de Marine et mère de Marion Maréchal. Et deux autres ont été excusés, leur procès étant renvoyé aux calendes : Jean-François Jalkh, ancien vice-président du FN, terrassé par un accident vasculaire cérébral, et Jean-Marie Le Pen, 96 ans, qui n’a plus toute sa tête mais encore de la voix. Il a été filmé chez lui, samedi 28 septembre, en train de chanter des chants nazis avec un groupe de rock lyonnais, comme l’a découvert Mediapart. Marine Le Pen a annoncé qu’elle allait porter plainte pour abus de faiblesse.

Au procès, Mᵉ Robert Apéry a lancé les hostilités. L’avocat de Fernand Le Rachinel, un imprimeur de 82 ans qui a eu des relations tendues avec le parti, a déposé une demande de renvoi de son client, « puisque les faits qui lui sont reprochés sont indissociables de ceux articulés à l’encontre de monsieur Jean-Marie Le Pen ». Mais Mᵉ Apéry s’est aperçu dans le programme du procès que son client allait être interrogé, donc il a pris la mouche et a considéré, sans même plaider, que sa demande avait été rejetée. La présidente, Bénédicte de Perthuis, lui a fait calmement remarquer que sa demande n’avait pas été rejetée, puisque le cas de Jean-Marie Le Pen n’avait été disjoint que quelques minutes plus tôt. Me Apéry n’a pas insisté. « Je ne comprends pas bien le sens de cette demande », a sobrement indiqué MPatrick Maisonneuve, l’avocat du Parlement européen, partie civile.

Une succession de demandes

Mᵉ Laurent de Caunes, l’avocat de Marie-Christine Boutonnet, une ex-députée européenne d’aujourd’hui 75 ans, a soulevé la traditionnelle question prioritaire de constitutionnalité (QPC), qui vise cette fois à examiner si renvoyer un député européen selon l’article 432-15 du code pénal, qui réprime le détournement de fonds publics, était bien conforme à la Constitution. Mᵉ de Caunes, qui a mal au dos, a plaidé une bonne heure debout pour soulager ses lombaires, et ratisser l’histoire de la QPC jusqu’à nos jours. Il estime que le code pénal qui réprime « les personnes dépositaires de l’autorité publique » ou « chargées d’une mission de service public » ne dit rien des parlementaires européens. La loi n’est pas claire, il est donc nécessaire d’envoyer sa question au Conseil constitutionnel – et d’interrompre le procès pour en avoir le cœur net. Le parquet a fait remarquer que la Cour de cassation avait à trois reprises écarté l’argument, le tribunal a rejeté la QPC.

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