Les mobilisations syndicales de rentrée font partie des événements récurrents de l’automne. Mais la journée de grève et de manifestations organisée jeudi 18 septembre ne ressemblait à aucune autre que le pays a connue dans un passé récent. Dans un contexte de mécontentement général et de crise politique liée à l’absence de majorité consécutive à la dissolution, en juin 2024, le but n’était pas de réclamer une réforme précise, ni de contester un projet porté par tel ou tel ministre, mais de dénoncer globalement les injustices contenues dans le projet de budget 2026 esquissé par François Bayrou et déjà caduc. Pour son successeur, Sébastien Lecornu, qui n’a pas encore formé son gouvernement, ni donné ses grandes orientations budgétaires, il s’agissait d’un second avertissement après celui, moins puissant, du mouvement Bloquons tout, le 10 septembre.

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Les huit organisations syndicales (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, UNSA, FSU et Solidaires), unies pour la première fois depuis la contestation de la réforme des retraites en 2023, ont rassemblé 500 000 personnes, selon le ministère de l’intérieur (plus d’un million selon la CGT) et ont pu défiler sans incident majeur. Ce succès fait d’elles des interlocuteurs incontournables du chef du gouvernement pour tenter de parvenir à l’indispensable compromis susceptible de sortir le pays de l’impasse budgétaire.

D’autant que l’incapacité des trois blocs qui dominent l’Assemblée nationale à trouver une majorité sur des mesures aptes à réduire le déficit renforce le poids potentiel des partenaires sociaux dans une sortie de crise. Après des années de mise à l’écart par l’exécutif, les syndicats sont en capacité de jouer leur rôle. C’est une bonne nouvelle, tout comme l’engagement pris par M. Lecornu, jeudi soir, à « poursuivre le dialogue » avec eux.

Lors de la manifestation intersyndicale, à Besançon, le 18 septembre 2025.

Mais l’abandon de la suppression des deux journées fériées, proposée par François Bayrou, et de certains avantages aux anciens premiers ministres, déjà actés par M. Lecornu, ne suffiront pas. Il faudra un sens aigu de la négociation et des mesures plus tangibles pour répondre à l’attente d’un « budget de justice fiscale, sociale et écologique » réclamé, jeudi, par Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT.

Des avancées sont attendues, sur le plan fiscal notamment, pour rectifier l’aberration qui fait que les plus grandes fortunes sont proportionnellement moins lourdement imposées que les contribuables plus modestes. Il n’y aura pas non plus de voie de passage politique sans des concessions sur la réforme des retraites qui empoisonne depuis 2023 les relations sociales. Après l’échec du « conclave » sur les retraites dans lequel le Medef porte une responsabilité certaine, le patronat doit tempérer son intransigeance.

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Car l’enjeu n’est pas celui d’une simple rentrée sociale. Au-delà des banderoles et des slogans syndicaux s’expriment dans le pays une colère sourde qui exige une réponse politique, une aigreur exacerbée par le sentiment que le système tourne à vide et que les responsables du pays sont déconnectés des réalités quotidiennes. M. Lecornu doit apaiser les mécontentements syndicaux tout en convainquant le Parti socialiste, sans braquer la droite et le Medef. De sa capacité à résoudre cette équation complexe dépendront ses chances de faire voter un budget pour 2026, de sortir la France de sa paralysie et d’éviter l’aggravation de la crise politique qui ne ferait qu’un seul gagnant : l’extrême droite.

Le Monde

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