Les mots étaient très attendus. Sébastien Lecornu les a prononcés, sans faux-semblants et sans ambiguïtés. Mardi 14 octobre, lors de son discours de politique générale, le premier ministre a indiqué qu’il proposerait au Parlement, « dès cet automne », de suspendre la réforme de 2023 sur les retraites « jusqu’à l’élection présidentielle de 2027 ». Démissionnaire après avoir été lâché par la droite, le chef du gouvernement a accepté les deux demandes des socialistes : geler le décalage progressif de l’âge de départ à 62 ans et 9 mois et stopper l’augmentation de la durée de cotisation à 170 trimestres.

Le chef du gouvernement a fait un pas en avant important sur la voie du compromis. Son initiative peut permettre de sortir d’une crise politique majeure qui paralyse le pays. Alors que les parlementaires vont enfin se lancer dans l’examen des projets de loi de finances, censurer ce gouvernement serait désormais incompréhensible pour une grande partie des Français lassés des manœuvres politiciennes.

Une chute de M. Lecornu pourrait entraîner une dissolution qui, au mieux, ne résoudrait rien ou à une démission du président de la République. Des campagnes électorales précipitées et largement improvisées ne permettent pas de débattre sereinement de ces questions, ni de présenter de vrais projets politiques.

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Le premier secrétaire du Parti socialiste (PS), Olivier Faure, a dit, dès mardi soir, que ses troupes ne voteraient pas la censure, au contraire des députés de La France insoumise et des Ecologistes. Dans une logique de conflictualité, espérant prospérer sur la crise, ces derniers veulent faire tomber la première équipe gouvernementale capable de mettre entre parenthèses la principale réforme du second quinquennat d’Emmanuel Macron.

Le premier ministre, Sébastien Lecornu, lors de la déclaration de politique générale à l’Assemblée nationale, à Paris, le 14 octobre 2025.

Depuis la démission de Sébastien Lecornu, la réforme des retraites est le point névralgique du blocage. Considéré comme injuste par les Français, qui avaient massivement manifesté au printemps 2023, adopté grâce à l’article 49.3, ce texte est devenu le symbole d’un pouvoir vu comme trop vertical. Face à l’intensité de la crise, même Elisabeth Borne, la première ministre qui l’avait porté à l’époque, et Philippe Aghion, récent prix Nobel d’économie et l’un des principaux inspirateurs du programme de M. Macron en 2017, avaient demandé sa suspension. Conscient que ce retrait était la seule façon de faire perdurer son mandat, le président de la République a fini par lâcher.

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Mais, mardi, le premier ministre a aussi rappelé tout le monde à la réalité. Une « suspension en préalable de rien serait irresponsable », a-t-il glissé. Cette victoire des socialistes va coûter 400 millions d’euros en 2026 et 1,8 milliard en 2027, selon Sébastien Lecornu. Dès cet automne, les députés du PS et les autres devront se montrer constructifs pour trouver des solutions budgétaires, alors que la France doit ramener son déficit à moins de 5 %.

M. Lecornu a répété qu’il n’utiliserait pas le 49.3. A l’Assemblée nationale d’être à la hauteur. Dans les mois qui viennent, les responsables politiques devront être très précis sur la façon de financer le système par répartition. La nouvelle conférence sur les retraites devra être un moment d’éclaircissement où les partenaires sociaux exposent leur point de vue. Enfin, lors de la prochaine élection présidentielle, les candidats devront expliquer aux Français comment ils espèrent sauver les retraites sur le long terme. Un défi pour un monde politique souvent égaré dans les emportements de court terme.

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Le Monde

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