Professeur de droit public avant d’entrer en politique et de devenir garde des sceaux (de 2016 à 2017), puis redevenu professeur de droit public, Jean-Jacques Urvoas a toujours aimé confronter le droit à la pratique. Auteur d’un Manuel de survie à l’Assemblée nationale (Odile Jacob, 2012), il publie aujourd’hui un Antimanuel de droit constitutionnel (Odile Jacob, 176 pages, 19,90 euros), ou l’analyse désenchantée du praticien qui a vu les institutions vieillir « au point d’être devenues inopérantes ». Conçue pour affronter les tempêtes, la Ve République est « moribonde », assène d’emblée Jean-Jacques Urvoas : il en veut pour preuve que, « pour la première fois depuis 1958, une dissolution a aggravé une crise politique au lieu de la résoudre ».

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Mélangeant pour les besoins de sa démonstration réflexion politique et technique juridique, le constitutionnaliste décortique les « dérèglements qui ne cessent de s’intensifier depuis plus de vingt ans » : l’effacement du premier ministre, devenu un « commis de haut vol » ; la brutalisation du Parlement, qui a « délaissé ses prérogatives les plus essentielles » et s’est résolu « à n’être que le greffier du pouvoir gouvernemental » ; surtout, la concentration des pouvoirs entre les mains d’un seul homme, le président de la République, qui lui rappelle le baobab de Saint-Exupéry dans Le Petit Prince : « Un arbre unique étouffant la planète. Il règne et il gouverne, devenant un obstacle majeur au bon fonctionnement des institutions. »

« Sérieux défauts »

Le chef de l’Etat est devenu un « super premier ministre », dénonce l’ancien rocardien, « s’immisçant dans tous les domaines, court-circuitant ses ministres, à commencer par les premiers d’entre eux, atrophiant leur capacité à prendre des initiatives et à proposer des solutions ». Poutre maîtresse de la Ve République, « il peut annihiler tous les autres pouvoirs sans être jamais lui-même mis en cause », s’indigne l’ancien ministre. Le général de Gaulle s’imposait d’engager sa responsabilité, décidant de « se remettre politiquement en jeu » à quatre reprises par le biais du référendum, mais « cette exigence s’est diluée avec ses successeurs », regrette Jean-Jacques Urvoas. Or, une « puissance déliée de toute responsabilité » est un danger, estime-t-il.

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