Déposer les armes après des décennies de guerre n’est jamais une mince affaire. Les Irlandais et les Colombiens en savent quelque chose. C’est dire si l’appel d’Abdullah Öcalan, fondateur et chef historique du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), à dissoudre son organisation, lancé, le 27 février, depuis son île-prison en mer de Marmara, est un signe encourageant.

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A l’issue de quatre mois de dialogue lancé par les autorités turques et conduit par le principal parti prokurde, DEM, il marque indéniablement un tournant dans le conflit entre le PKK et la Turquie. Le message a d’ailleurs été immédiatement salué par les Etats-Unis, l’Union européenne, ou encore l’Irak, et même l’Iran. Le PKK, lui, replié dans les montagnes du nord de l’Irak, a approuvé, à peine quelques heures plus tard, l’appel de son leader à ouvrir les discussions en vue de sa dissolution et à cesser les hostilités avec la Turquie.

Mais pour faire la paix, faut-il encore être deux. Depuis que Devlet Bahçeli, le chef de la formation d’extrême droite MHP (Parti d’action nationaliste), allié du président Recep Tayyip Erdogan, a pris l’initiative en octobre de tendre la main aux députés du DEM, aucune proposition au sujet de la « question kurde » n’est venue de l’exécutif – son intitulé n’a même pas été prononcé –, aucune contrepartie, ni même proposition, n’a été avancée par Ankara. Contrairement aux négociations précédentes (en 2013-2015), où il était question de droits et d’avancées culturelles, seule « la fin du terrorisme » est avancée par les dirigeants.

Multiplication des arrestations

Certes, M. Bahçeli a laissé entrevoir une possible libération d’Abdullah Öcalan. Mais on imagine mal une telle libération, même en résidence surveillée sur l’île d’Imrali, alors que le gouvernement multiplie les arrestations d’élus kurdes et maintient en détention ses dirigeants politiques comme Selahattin Demirtas. Et, à ce jour, les demandes des responsables kurdes n’ont toujours pas été mises officiellement sur la table. Dans une note additionnelle à son appel, le leader du PKK souligne d’ailleurs qu’une dissolution de l’organisation implique « nécessairement une politique démocratique et un cadre juridique ».

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Jusqu’à présent, le président turc s’est contenté de prudemment saluer l’appel d’Öcalan. Il a assuré qu’il restait « très attentif à toute forme de provocation » et estimé « que l’approche la plus efficace durant cette période critique est de procéder avec calme ». Du calme, il en faudra. Le chantier ne fait que commencer. D’un côté, les dirigeants en Irak du PKK ont annoncé qu’ils convoqueraient un congrès pour évoquer les développements en cours et procéder à la dissolution de l’organisation. De l’autre, les voix, au sein de la coalition islamo-nationaliste au pouvoir, se sont multipliées pour saluer les avancées, mais sans aller au-delà.

Après une demi-douzaine d’accords de cessez-le-feu violés ou brutalement interrompus, 40 000 morts sur le sol turc et plus de 2 millions de déplacés, l’occasion aujourd’hui est unique de mettre fin à quarante années de guerre. Un tel apaisement pourrait également contribuer à stabiliser le nord-est d’une Syrie confrontée aux défis d’une transition politique périlleuse. Il s’agit donc d’un rare éclair d’optimisme, dans un monde devenu encore plus chaotique, qu’il serait regrettable de contrarier.

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Le Monde

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