Souvent critiqués, les économistes essuient deux reproches principaux. Certains nous trouvent trop présents dans le débat public ou auprès des décideurs. D’autres, dont les décideurs, nous trouvent parfois trop déconnectés de la réalité et de ses contraintes. Accusés d’être omniprésents ou inutiles, les économistes ont, au contraire, l’impression de n’être pas assez écoutés et de pouvoir contribuer davantage au bien commun. Qui croire ? Et à quoi servent vraiment les économistes ?

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L’économie est avant tout un ensemble de compétences, auxquelles on peut difficilement reprocher d’être trop répandues ou inutiles. Ces compétences sont multiples. Malgré de gros progrès, la profession est parfois encore trop homogène en matière de visages – des hommes, aux origines sociales et scolaires souvent proches – et donc de regards. Mais elle est riche en approches méthodologiques, qui se nourrissent les unes des autres : des modèles théoriques aux analyses empiriques, d’une focale très « micro » (avec la masse de nouvelles données très précises qui permettent d’étudier finement les comportements) aux indispensables perspectives macroéconomiques.

Ces compétences nous permettent de mettre en lumière les arbitrages sous-jacents à de nombreuses décisions et nous amènent à toujours nous demander ce qui aurait pu être fait à la place et quel aurait été le résultat. Elles nous conduisent également à beaucoup de vigilance dans l’interprétation des faits.

Par exemple, la coïncidence temporelle de deux phénomènes ne signifie pas forcément que l’un est la cause de l’autre. Il faut beaucoup de rigueur pour pouvoir déterminer quelle aurait été la trajectoire de l’inflation ou du chômage en l’absence de telle ou telle décision. Et les conditions ne sont pas toujours réunies pour pouvoir conclure avec certitude.

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Ces compétences nous permettent aussi de dépasser les a priori idéologiques et de produire et de comprendre des résultats parfois contre-intuitifs. Non, le progrès technique ne détruit pas forcément de l’emploi : au contraire, il en crée si les gains de productivité permettent aux entreprises de gagner des parts de marché et de croître. Non, une hausse du salaire minimum ne détruit pas nécessairement de l’emploi ; cela n’est pas le cas si les entreprises peuvent répercuter la hausse dans leur prix ; cela n’est pas le cas dans les pays (ou les secteurs) où il reste profitable pour elles de garder les salariés en les payant plus cher.

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