Des enfants font un tennis dans la cour, tentent des saluts aux parents partiellement masqués par le portail, un dernier, en retard, se hâte. Rien ne semble vouloir troubler l’apparente normalité du retour en classe, mercredi 3 septembre, dans l’école de Moussages, village du Cantal, peuplé de moins de 300 habitants, si ce n’est la présence d’une poignée de journalistes et de deux gendarmes. Caroline Grandjean-Paccoud, nommée directrice de cette petite école en 2021, s’est suicidée dans un village voisin, lundi 1er septembre, jour de la rentrée scolaire, plusieurs mois après des messages homophobes reçus dans l’établissement.
Entre décembre 2023 et août 2024, des injures sont écrites sur les murs de l’école et une lettre de menace anonyme est déposée dans la boîte aux lettres de l’établissement : « sale gouine », « gouine = pédophile », « va crever sale gouine », « dégage la gouine » et « pédophile ». L’histoire est relayée dans les médias, les plaintes, arrêts et reprises du travail se succèdent, sans que les gendarmes parviennent à identifier le ou les auteurs du harcèlement lesbophobe. Deux jours après le drame, sa veuve, Christine Grandjean-Paccoud, a estimé dans un entretien accordé à France 2 que c’est « le manque de soutien » qui a été le plus douloureux pour sa femme et que « la hiérarchie n’a pas compris sa souffrance ».
A Moussages, village prisé des randonneurs et cyclistes qui arpentent les monts du Cantal, les langues peinent à se délier et les voix à s’élever après le suicide de l’enseignante. « Vous ne trouverez pas beaucoup de monde qui voudra vous parler, prévient une Moussageoise ayant requis, comme la majorité des personnes rencontrées, l’anonymat. Les gens veulent passer à autre chose. » Elle se souvient surtout de quatre véhicules tagués en mai 2024 – deux municipaux et deux privés, dont un similaire à la voiture du maire – où l’inscription « PD » figurait. Si le lien entre ces inscriptions et le harcèlement subi par Caroline Grandjean-Paccoud ne peut être factuellement établi, la coïncidence ne peut qu’interpeller.
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