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Du nord au sud de Marseille, on croise partout ces portions de stade, nichées entre les cités, au bord des autoroutes, où une poignée d’adolescents et d’enfants transpirent, la mine concentrée. Quoi de plus normal dans une ville où le football tient lieu de religion ? En observant mieux, on comprend vite que ces gamins ne sont pas en train de se divertir après l’école ou de meubler leurs vacances scolaires. Tuniques de l’Olympique de Marseille (OM), de Manchester City ou du Bayern Munich sur les épaules, ces petites silhouettes, dont certaines ont à peine 5 ans, s’entraînent avec la rigueur de professionnels, sous le regard verrouillé de leurs parents assis à quelques pas.

Souvent, aucun ballon n’est présent sur le bout de terrain qu’ils arpentent. A la place, des cônes multicolores, des cerceaux posés au sol, des haies en plastique qui tracent le parcours d’exercices techniques dits « spécifiques », visant à développer leur explosivité (capacité à enclencher, en un temps court, une forte contraction musculaire) ou leur mobilité. Bienvenue dans le monde des « labos », ces terrains d’entraînement souvent informels, pilotés par des entraîneurs qui se font appeler « coachs » et qui, depuis quelques saisons, essaiment dans toute la ville.

Combien Marseille compte-t-elle de labos ? Au district de Provence – 50 000 licenciés dont plus de la moitié entre 6 ans et 13 ans –, le conseiller technique départemental Raouf Ben Belgacem n’a pas les moyens de les recenser. « Mais, comme en Ile-de-France ou autour de Lyon, c’est loin d’être un épiphénomène. Car beaucoup de parents pensent qu’en matière d’entraînement, faire beaucoup, c’est faire de la qualité », constate-t-il.

« Les parents sont devenus fous »

Ce boom du « coaching spécifique », Ahmed, un père de famille surveillant la séance de ses deux garçons et souhaitant rester anonyme, l’explique d’une seule phrase : « C’est la faute au “projet Mbappé”. » Au bord du city stade des Riaux, à l’Estaque (16e arrondissement), comme partout sur les terrains de France, ce nom de code est sur toutes les lèvres. Il qualifie le dessein de parents prêts à tout pour que leur enfant suive la même trajectoire extraordinaire que la star du Real Madrid. L’émergence éclair de Kylian Mbappé, longtemps coaché par son père et dont les affaires sont gérées par sa mère, a marqué les esprits.

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Une entreprise familiale qui fait fantasmer beaucoup de parents et les pousse à croire que le talent de leur enfant, soumis à un travail stakhanoviste, débouchera sur un contrat à plusieurs millions d’euros. Un espoir si brutal qu’il nourrit désormais régulièrement la chronique des faits divers autour des clubs amateurs. En octobre, à Colomiers (Haute-Garonne), les voitures de deux éducateurs d’une équipe de moins de 11 ans ont ainsi été incendiées, après leur décision de ne pas retenir un enfant pour un match.

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