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Histoires Web dimanche, janvier 26
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A l’extrémité de la galerie du Temps du Louvre-Lens se trouve le Pavillon de verre. Dans la Galerie se déploie le passé, sous une forme solennelle, encyclopédique et un peu ennuyeuse à la longue, en dépit de la présence de quelques vivants remarquables – Simone Fattal, Zanele Muholi et Kent Monkman. Dans le Pavillon, le présent regarde ce beau passé par les yeux de Roméo Mivekannin.

L’artiste béninois, de longue date installé en France, fait de l’histoire de l’art occidental sa matière première. Il se saisit d’œuvres célèbres et les interprète selon la méthode qui lui est propre. Il travaille sur des tissus récupérés qu’il coud ensemble. Sur ces surfaces flottantes, il repeint les toiles dont il s’empare. Il agrandit parfois leur format et les modifie visiblement. D’une part, il préfère le noir, le blanc et des effets de grisaille, même si, désormais, il arrive qu’il introduise des éclats de couleurs. D’autre part, aux visages originels, féminins ou masculins, jeunes ou vieux, il substitue le sien, celui d’un homme né en Côte d’Ivoire en 1986.

En majorité, les toiles rassemblées ici, dont la plus ancienne date de 2020, sont des reprises de chefs-d’œuvre conservés au Louvre : double portrait en pied de Rembrandt ; Déjanire enlevée par le centaure Nessus, de Reni ; Le Radeau de la Méduse, de Géricault ; Femmes d’Alger dans leur appartement, de Delacroix. Ces choix sont réfléchis : le Géricault renvoie à l’histoire de la colonisation de l’Afrique, le Delacroix à l’orientalisme, les Rembrandt au commerce triangulaire qui fit la fortune d’Amsterdam et le Reni fait songer à d’autres enlèvements et viols, non pas mythologiques mais réels.

Leçons d’analyse historique

De même, quand Mivekannin reprend le portrait d’une femme peint en 1800 par Marie-Guillemine Benoist, il rappelle, ainsi qu’on le sait aujourd’hui, que la peintre avait pris pour modèle une esclave affranchie venue de Guadeloupe. Plus directes encore sont les peintures qui s’emparent des images prises au temps de la conquête du Dahomey (1890-1894) par la France : un groupe d’Amazones royales et un autre de parents du roi vaincu Béhanzin, photographiés brutalement comme des curiosités exotiques. Ainsi ces toiles sont-elles à la fois des leçons d’analyse historique des œuvres anciennes qu’elles reprennent et des actes d’accusation.

Cette partie du travail de l’artiste, qui lui a valu une prompte reconnaissance, est désormais connue. L’était bien moins jusqu’ici celle qui se révèle dans la chambre sombre placée au centre du Pavillon. Il y a là deux hautes sculptures de céramique, récipients hérissés de pointes, construites de mémoire après des cérémonies vues dans des couvents vaudous béninois.

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