La rage, la tristesse mais aussi l’espoir s’entremêlent dans les chants de la révolution syrienne qui résonnent de nouveau, jeudi 12 décembre, au pied de la mosquée Abdul Rahman Ibn Auf, au centre de Damas. Treize ans après le déclenchement du soulèvement syrien, en mars 2011 et le début d’une guerre civile meurtrière, quelques milliers de Syriens, opposants historiques au régime d’Al-Assad et jeunes étudiants, qui n’étaient que des enfants à l’époque, se sont retrouvés pour les funérailles de Mazen Al-Hamada, exécuté dans les geôles du régime syrien, peu de temps avant sa chute, dimanche 8 décembre.
Aux côtés de sa famille, des militants révolutionnaires portent son cercueil, recouvert d’un drapeau de la révolution syrienne. Sur les affiches brandies dans la foule, son regard mélancolique fixe la caméra. Il était méconnaissable, le visage tuméfié par les tortures, lorsque ses proches l’ont reconnu parmi les photographies des victimes de l’enfer carcéral des Al-Assad arrivées dans les morgues depuis dimanche. « Son corps a été retrouvé à l’hôpital de Harasta. Il a été tué il y a peu de temps. Il a été torturé », indique l’une de ses nièces.
« Je n’ai pas connu Mazen. Presque personne ici ne l’a connu. Mais ils connaissent son histoire. C’est un symbole », dit Boulos, un militant révolutionnaire de 60 ans. Né en 1977, Mazen Al-Hamada a grandi à Deir ez-Zor, dans l’est de la Syrie, où il était technicien pétrolier à l’usine Schlumberger lorsque la révolution a éclaté. Avec son appareil photo, il documente la contestation pacifique jusqu’à Damas, où il se rend, début 2012. Il est arrêté, pour la troisième fois, par les renseignements syriens. Dans les sous-sols de l’hôpital 601, appartenant aux forces aériennes de l’armée syrienne, il subit les pires supplices des tortionnaires du régime syrien pendant deux ans.
A sa libération en 2014, il part pour les Pays-Bas où il obtient le statut de demandeur d’asile.
Pendant six ans, il porte, inlassablement, en Europe et aux Etats-Unis, la voix des centaines de milliers de prisonniers des geôles d’Al-Assad, en racontant ce qu’il a subi. Un récit qu’il a livré à la journaliste française Garance Le Caisne dans son livre Oublie ton nom (Stock, 2022). Il réclame justice. Désabusé face à l’inaction de la communauté internationale, ayant sombré dans la solitude de l’exil, il décide de rentrer en Syrie contre l’avis de tous, leurré par des responsables syriens qui lui promettent une réconciliation. Il disparaît dès son arrivée à l’aéroport de Damas, le 22 février 2020. Depuis, ses proches étaient sans nouvelle de lui.
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