Enseignante-chercheuse en sciences de gestion à l’université Grenoble-Alpes, Christelle Martin-Lacroux a consacré sa thèse, en 2015, à « l’appréciation des compétences orthographiques en phase de présélection des dossiers de candidature » –, à ce jour la seule publiée en France dans le domaine des ressources humaines.
Quels sont les préjugés derrière un CV truffé de fautes ?
Les trois quarts des recruteurs y voient un manque de rigueur, de la légèreté et de la négligence, et presque le tiers d’entre eux y voient un défaut de politesse, de correction et de professionnalisme. Certains vont jusqu’à l’associer à un manque d’intelligence et de compétences qui peut augurer d’une incapacité à tenir un poste.
Ce n’est pas seulement une compétence technique, mais aussi une compétence sociale, autrement dit, avoir des codes. Derrière la maîtrise de l’orthographe, de la conjugaison et de la grammaire, les recruteurs interrogés dans le cadre de ma thèse anticipaient une incapacité du candidat à s’adapter aux exigences de la situation. Avec cette idée : « Il peut faire des fautes dans un SMS envoyé à un copain, mais s’il en fait dans son CV il en fera face à mes clients. »
Par ailleurs, le niveau d’orthographe du recruteur modère sa sévérité par rapport aux fautes. S’il a lui-même des lacunes, il va moins rejeter la candidature. En revanche, plus on est bon en orthographe, moins on laisse passer les fautes et plus on les trouve « impardonnables ». Dans l’étude, à CV égal en matière d’expérience, celui qui contenait des fautes d’orthographe avait deux fois plus de risques d’être écarté.
Quels sont les préjudices que veulent éviter les employeurs ?
Il y a vraiment l’idée d’entacher l’image véhiculée auprès des clients. La crédibilité de l’entreprise est en jeu, les fautes d’orthographe sont, par ailleurs, des coûts cachés pour l’entreprise. Pourquoi ? Parce que c’est de la perte de temps. Il faut relire les documents des collaborateurs. Un salarié passera du temps à les soumettre à un logiciel de correction, par exemple, et derrière il y a une question de productivité. Mais, au moment où j’ai fait ma thèse, il n’y avait pas d’intelligence artificielle (IA) générative, les cartes sont sans doute un peu rebattues aujourd’hui…
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