Par quel bout commencer cette histoire ? Avec la colère des quelques dizaines de manifestants, réunissant riverains et associations de défense de l’environnement, en cette froide journée de début novembre 2024, devant la sous-préfecture de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) ? Thierry Noguet, le maire (sans étiquette) de la petite ville voisine de Montoir-de-Bretagne, s’emporte : « Yara [une usine d’engrais implantée sur sa commune] est une entreprise voyou, qui se fiche complètement des règles environnementales ! » L’élu voit ce site polluer les eaux et l’air au mépris des normes en vigueur, malgré des mises en demeure répétées de l’Etat depuis 2011.

Ou avec l’amertume des salariés, dont 130 postes sur 170 sont sur le point d’être supprimés, les premiers licenciements étant effectifs courant janvier ? « Je n’ai pas à critiquer ces manifestants pour l’environnement, je les comprends, mais beaucoup souhaitaient la fermeture de notre site et, maintenant, on a 130 gars qui perdent leur emploi », s’agace Philippe Nicolas, délégué CGT du personnel.

Ou encore avec la froide logique économique de l’entreprise, numéro un mondial de l’engrais basé en Norvège ? « La vérité est que cette usine n’est pas rentable et qu’il ne serait pas responsable de continuer », explique son directeur général, Svein Tore Holsether. Il préfère étudier un investissement aux Etats-Unis et transformer le site de Montoir en un simple lieu d’importation d’engrais.

De quelque bout qu’on prenne ce dossier, le bilan est catastrophique : une usine française ferme, des emplois, mais aussi la pollution, sont délocalisés, et enfin le stockage des engrais sur place maintient un risque d’explosion que dénoncent les riverains. Pire encore, cette fermeture participe à une perte partielle de souveraineté dans le domaine stratégique de l’agriculture. Depuis le choc des prix sur le gaz en 2022, l’Union européenne (UE) a réduit sa production d’urée, une forme d’engrais, et a doublé ses importations venant… de Russie. « On participe à leur effort de guerre ! », enrage M. Nicolas, le syndicaliste. « L’Etat dit qu’il faut réindustrialiser, mais, à la place, il laisse fermer cette usine, et on importe des engrais, on délocalise », dénonce Manon Castagné, de l’association Les Amis de la Terre. Bienvenue dans les injonctions contradictoires de la politique industrielle française !

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