On n’a pas vraiment fait attention aux premiers signes. Cette vieille dame, venue aux urgences en toussant qui s’inquiétait d’une épidémie apparue en Chine et qu’on a rassurée avant de la renvoyer chez elle avec une bienveillance souriante. Ces habitants grippés qui se pressaient à la pharmacie, toujours plus nombreux. Ce petit article paru dans le journal du coin qui traitait d’une maladie pulmonaire circulant dans la région et dont on ne savait pas grand-chose. Ces sirènes d’ambulances que l’on a commencé à entendre de manière plus fréquente que d’habitude au comptoir du bar. Et ce regain d’activité, près de l’agence de pompes funèbres de la ville. Puis, d’un coup, le décor familier du quotidien qui bascule. La police, les militaires… Les parents se précipitant vers les écoles pour aller chercher leurs enfants, la ruée sur les supermarchés pour faire des réserves. Les routes bloquées, les rues vidées, les portes fermées, la peur, la mort. Et le silence, entaillé par les plaintes d’ambulances invisibles depuis les intérieurs confinés, d’autant plus douloureuses que l’on savait désormais pourquoi elles résonnaient, dans la ville déserte.

Ainsi se remémore-t-on, à Codogno, ces journées déréglées de l’hiver 2020, où l’inconcevable a surgi au cœur de la banalité d’une localité de province. Et, faute de mieux, un mot revient souvent dans les récits pour décrire ce qu’il s’est passé : « une guerre ».

Le 21 février 2020, les quelque 50 000 habitants de la petite ville lombarde et des neuf communes avoisinantes ont été les premiers Européens à glisser dans une condition inouïe qui deviendra bientôt l’ordinaire pour le reste du continent et que l’on désigne en Italie par le terme anglais de lockdown : le confinement. Le premier cas d’infection au Covid-19 du pays a été enregistré ici. Cinq années ont passé. Restent beaucoup de deuils (au moins 200 morts), des souvenirs qui font remonter des larmes et trois morceaux d’acier dressés formant, devant le siège de la Croix-Rouge locale, le monument érigé à la mémoire des victimes de la pandémie et de ceux qui leur ont survécu. Sur le socle, trois principes qui résonnent comme une devise : « résilience, communauté, nouveau départ ».

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