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Elle nous donne régulièrement de ses nouvelles à l’antenne. Partage ses doutes, ses craintes, ses états d’âme qui sont souvent à l’image du monde dans lequel elle se réveille chaque matin. Travaillant de dix à douze heures par jour, week-end inclus, elle poste parfois sur Instagram − elle qui se méfie tant des réseaux sociaux et de ce qu’ils font à la pensée − des excuses quand elle avoue ne pouvoir répondre à tous les messages reçus − ceux des proches compris.

Lire la critique : Dans « La 20e heure », sur France Inter, Vincent Lindon se confie au micro d’Eva Bester

Résolument sans filtre, elle est aussi et complètement control freak, ce qui signifie qu’elle se livre entièrement tout en nous priant de ne pas mentionner telle ou telle chose. Par peur, souvent, de blesser certaines personnes : « Je suis incapable de dissimuler − ce qui n’est pas toujours une qualité », nous glisse-t-elle en ce lundi 18 novembre au soir, après l’enregistrement, en direct, de son émission « La 20e Heure » où elle recevait Vincent Lindon.

Quoi qu’il en soit, Eva Bester, 39 ans, continue d’embellir nos oreilles avec sa quotidienne, devenue largement leader sur la tranche (de 20 heures à 21 heures) avec ses 633 000 auditeurs.

Une conversation ouverte

Après des études d’anglais, c’est par un stage à France Culture qu’elle commence. Et c’est sur France Inter avec son « Remède à la mélancolie », devenu « L’Embellie » en 2021, qu’elle trouve pleinement sa voix. Suffisamment pour qu’Adèle Van Reeth, la directrice de la chaîne, lui propose de reprendre le créneau de « L’Heure bleue » après le départ de Laure Adler en juin 2023.

Lire l’entretien avec Eva Bester (en 2022) : Article réservé à nos abonnés « Ce qu’on échange à jeun est bien plus profond que les confessions d’ivrognes »

Les débuts sont épiques. Pendant que son aînée saute en parachute, en couverture de L’Equipe, et reprend des études, Eva Bester enchaîne les tendinites, s’abonne aux antibiotiques et à la cortisone : « J’étais terrorisée et je ne me rendais pas compte à quel point ça allait changer ma vie en termes de rythme. » Celle des auditeurs aussi qui trouvent avec elle un espace où la pensée peut se déployer, entre ses questions appuyées par une solide documentation et de pertinentes archives choisies avec son équipe, dont la précieuse Lola Costantini : « Eva sonde ses invités en profondeur, arrive à installer un dialogue, avec des respirations et des silences », note la réalisatrice.

En effet, et même si l’émission est corrélée à une actualité culturelle, il ne s’agit jamais uniquement d’un exercice promotionnel, mais plutôt d’une conversation, largement ouverte et accessible, accueillante et bienveillante (elle y tient, et depuis longtemps). Ce qui n’empêche pas parfois quelques remarques acerbes sur les réseaux sociaux. Notamment quand l’actualité s’invite à sa table − elle qui refuse d’être dans la réaction à chaud. Elle défend sa position : « Je ne veux pas qu’on me demande de prendre parti : ce n’est pas mon rôle. Et puis, je n’ai pas forcément les compétences suffisantes. Enfin, mon avis n’est pas si intéressant. »

« Vulgariser au sens noble »

Ce qui l’intéresse en revanche, c’est écouter attentivement. Ouvrir des pistes de réflexion. Trouver la bonne distance. Et tenter de mettre de la mesure et de la nuance quand les émotions s’invitent et débordent, au risque, comme elle le dit, « d’empêcher d’être raisonnable ». En cela, elle pourrait être la face radiophonique de Karim Rissouli (« C ce soir » sur France 5) qu’elle a récemment reçu et avec lequel elle partage un constat, celui qu’une quotidienne abîme certes, mais nourrit aussi. « C’est merveilleux, dit-elle, de charrier tout le monde intellectuel et artistique, de pouvoir interroger, transmettre, vulgariser au sens noble − c’est-à-dire rendre accessible au plus grand nombre des œuvres et des pensées. »

Elle-même avoue : « Mon université, c’était la radio. » Aujourd’hui, à passer autant de temps à préparer ses émissions, elle l’écoute moins. Et, comme elle travaille chez elle et enregistre à 20 heures − et ce depuis que les nuits ne sont plus qu’un espace de rediffusion et non de production −, elle croise peu ses confrères et parle davantage à ceux et celles qui n’ont pas de voix : les hommes et femmes d’entretien, les agents de sécurité qui l’adorent comme nous avons pu le constater en arrivant à la Maison de la radio ce lundi soir.

Lire la critique (en 2023) : Dans « Grand Canal », sur France Inter, Eva Bester donne à entendre Lola Lafon

Eva Bester arrive deux heures avant l’enregistrement pour échanger avec son équipe. A la question « Qu’est-ce qu’une bonne interview ? », elle répond : « C’est quand l’invité a été surpris par une question et par sa propre réponse. » Elle dit qu’elle a peur. De tellement de choses. « De la maladie. Que l’auditeur s’ennuie. Que l’invité s’ennuie. Je suis perfectionniste, ça résume toutes mes peurs parce que la perfection, ça n’existe pas. » Ajoute : « Je suis vachement dans le contrôle pour les tâches qu’on me confie parce que j’ai un truc de chevalier : si on me confie une mission, il faut que je la fasse parfaitement. » En la laissant à l’arrêt de bus, on se dit qu’Eva Bester, chevalière de « La 20e Heure », est la gardienne de nos nuits.

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