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Le procès des viols de Mazan sera un « testament » pour « les générations futures », a plaidé mercredi l’un des avocats de Gisèle Pelicot, droguée et violée pendant une décennie par son mari et des dizaines d’inconnus recrutés sur Internet. Ces générations qui « découvriront Gisèle Pelicot, son courage, le prix qu’elle a payé pour changer la société », a expliqué Me Stéphane Babonneau, dressant un parallèle entre ce « procès d’Avignon » et celui d’Aix-en-Provence en 1978 où l’avocate Gisèle Halimi avait fait reconnaître le viol comme un crime.

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Puis il s’est adressé directement à sa cliente, entourée de ses deux fils et de sa fille : « Gisèle Pelicot, vous êtes allée au-delà de ce qu’on pouvait attendre de vous, en transmettant le flambeau aux générations futures. » L’avocat a finalement conclu sa plaidoirie d’un peu plus d’une heure en s’adressant à la cour criminelle du Vaucluse : « Le temps est à présent venu pour la partie civile de remettre entre vos mains son espoir, leur espoir, leur futur. »

« Des accusés, Gisèle Pelicot n’attendait rien. Mais même sans aucune attente, la quasi-totalité [des accusés] ont réussi à la décevoir par l’indigence de leurs arguments », a-t-il asséné, évoquant les excuses avancées par certains des cinquante et un accusés de ce procès emblématique des violences sexuelles et de la soumission chimique, commencé le 2 septembre à Avignon.

« Ils expliquent un viol “accidentel”, un viol “involontaire”, un viol “altruiste”, voire désormais un viol “irresponsable” », a déclaré MBabonneau, faisant référence à la démarche d’une dizaine d’avocats de la défense mercredi matin même : une demande subsidiaire à la cour concernant trente-trois des cinquante coaccusés en évoquant une éventuelle « altération du discernement » de leurs clients.

Fustigeant « la culture du viol dont on a eu l’illustration pendant ce procès », MBabonneau a placé la cour, qui doit rendre son verdict au plus tard le 20 décembre, devant un « choix de société ». « Le viol n’a jamais fait l’objet en France d’un rejet aussi viscéral, mais en même temps sa diffusion n’a jamais été aussi aisée », a-t-il estimé, espérant que ce procès permette de « changer l’idée ancrée dans un imaginaire masculin que le corps de la femme est un objet de conquête ».

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Geste presque politique

« Comment, en France, en 2024, une femme peut encore subir ce qu’a subi Gisèle Pelicot pendant au moins dix ans ? Comment peut-on trouver en France cinquante individus, mais en réalité soixante-dix [plusieurs n’ont jamais été identifiés et ne seront donc jamais jugés], des hommes », pour venir agresser sexuellement ce corps, s’est interrogé son confrère de la partie civile MAntoine Camus un peu plus tôt dans sa plaidoirie. L’avocat a rappelé les vidéos des faits, minutieusement enregistrées, légendées et stockées par Dominique Pelicot, où Mme Pelicot était à ce point inerte « qu’on la croirait morte ».

« Par ce geste presque politique de renoncer au huis clos », le 2 septembre, à l’ouverture de ce procès hors norme devant la cour criminelle du Vaucluse, Mme Pelicot a « invité toute la société à se poser des questions, à prendre conscience, à changer les mentalités, pour un avenir qui romprait enfin avec une violence qu’on voudrait d’un autre âge », a-t-il affirmé.

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« Gisèle Pelicot aurait toutes les raisons du monde d’être aujourd’hui dans la haine, d’opposer les hommes et les femmes et de fustiger la sexualité masculine en général », a poursuivi l’avocat. Mais « Gisèle Pelicot a choisi de transformer cette boue en matière noble et de dépasser la noirceur de son histoire pour y trouver un sens : elle compte sur la cour pour l’y aider ».

Pendant une heure, sans effet de manche, l’avocat a demandé à ce que « justice et vérité » soient rendues pour cette famille, cette femme, sa fille et ses deux fils, et ses petits-enfants, « ensevelis depuis quatre ans sous les décombres » après la « déflagration » de la révélation des faits, à l’automne 2020.

Mais il ne s’est pas attardé sur Dominique Pelicot, cette « personnalité clivée », avec sa « face A » de « bon mari, grand-père, ami, voisin », et sa « face B » quand, principalement la nuit, il assommait sa femme d’anxiolytiques pour pouvoir ensuite disposer d’elle et la livrer à des inconnus.

De fait, le principal accusé reconnaissant son rôle de « chef d’orchestre » des quelque 200 viols recensés pendant une décennie sur son ex-épouse, à leur domicile conjugal de Mazan (Vaucluse), dont la moitié par lui-même, il paraît difficilement imaginable qu’il échappe à la peine maximale prévue, de vingt ans de réclusion criminelle.

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« Un viol est un viol »

MCamus s’est donc attardé sur les cinquante coaccusés. Et « tous avaient leur libre arbitre », a-t-il insisté : « Chacun à son niveau a contribué à cette monstruosité et a permis que se poursuive le calvaire d’une femme », « c’est la banalité du mal de Hannah Arendt ».

« Tous ont choisi de démissionner de la pensée pour faire prévaloir leurs pulsions », a poursuivi l’avocat, demandant que la cour prenne des décisions « claires » et « fermes », notamment sur la question entourant l’intentionnalité du viol, argument mis en avant par la quasi-totalité des coaccusés qui reconnaissent la matérialité des faits mais pas « l’intention de violer ».

« Un viol est un viol », a-t-il répété, face à des avocats de la défense qui tenteront sans doute d’expliquer que leurs clients ont été « manipulés » par Dominique Pelicot et qu’ils pensaient seulement participer au scénario d’un couple libertin.

Pour MCamus, ce procès aura aussi permis de mettre en lumière la question de la soumission chimique, « ce mode opératoire diabolique » qui « n’est rien d’autre que le mode opératoire du crime parfait : Gisèle Pelicot ne s’est pas réveillée le visage tuméfié ou à côté d’un inconnu. Elle se réveillait au côté d’un homme qui l’aimait, ne la battait pas, qui lui prenait volontiers rendez-vous chez le médecin ».

Il a enfin fustigé la « maltraitance de prétoire » infligée par certains avocats de la défense à Gisèle Pelicot, en allant parfois jusqu’à sous-entendre qu’elle aurait pu être complice et consentante.

Avant le début de cette plaidoirie, Dominique Pelicot avait à nouveau tenté de présenter ses excuses à sa famille, mercredi matin, suscitant la colère de sa fille Caroline : « Tu finiras seul, comme un chien ! »

Le président de la cour a officiellement suspendu le procès jusqu’à lundi. La parole sera alors au ministère public, pour un réquisitoire qui pourrait durer jusqu’à mercredi.

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Le Monde avec AFP

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