Meilleures Actions
Histoires Web dimanche, septembre 29
Bulletin

Tout gosse en a rêvé : construire un vélo qui serait aussi un bateau ; une bicyclette flottante capable de passer de la terre ferme à l’eau d’un étang, d’un même élan. Félix Billey l’a fait, il y a cinq ans, en marge de ses études à l’Ecole nationale supérieure des technologies et industries du bois, à Epinal.

Depuis, il circule sur les routes de France à bord de son curieux véhicule : un vélo couché installé à l’intérieur d’un kayak en bois. Doté de roues hérissées de pales, l’engin tracte un mini-habitacle de 2 mètres de long, fabriqué à partir de matériaux de récupération (bambou, contreplaqué, polystyrène, tapis de sol…). A l’intérieur : un matelas, un petit poêle faisant également office de cuisinière, et c’est à peu près tout. « On peut voir cela comme un vélo qui remorque une caravane. J’y vois plutôt une maison qui bouge », explique le jeune homme âgé de 30 ans, dont la philosophie se résume en quatre mots : « J’habite en voyage. »

Parti de Besançon en 2019, Félix Billey a parcouru 3 000 kilomètres à la force du jarret, à travers le Jura, les Vosges, la Savoie, la Suisse, le Vercors, l’Ardèche, la Lozère, l’Allier… Sa vitesse de croisière – 8 kilomètres-heure – le contraint à emprunter des petites routes départementales, voire des véloroutes comme la Loire à vélo. Accompagné d’une poule prénommée Chépa 2 – la première, sa mère, Chépa 1, fut dévorée par un renard en Isère –, le bourlingueur n’a pas de plan de route. Il peut rester une semaine au même endroit ou changer d’emplacement du jour au lendemain, mettre le cap au nord ou prendre la direction du sud. Le hasard est sa boussole, la lenteur son horizon, la « liberté [son] ivresse », dit-il. Sans un kopeck ni carte de crédit, il vit grâce à la générosité des curieux qui l’abordent en chemin.

« Partir sans rien »

« Je ne demande jamais rien, c’est une règle invisible », énonce-t-il cet après-midi-là, non loin du terrain de pétanque de Chaumont-sur-Loire (Loir-et-Cher). Les badauds lui offrent ce qu’ils ont dans le frigo, qui une boîte de pâté, qui un pot de confiture. Certains l’invitent même à manger chez eux ou au restaurant. Les soirs de disette, l’œuf pondu quasi quotidiennement par Chépa 2 est sa seule pitance, quand ce n’est pas le pain dur destiné au gallinacé.

« Se retrouver dans une situation de manque est une chance. On apprécie d’autant plus le “pas grand-chose” », assure le promeneur solitaire à l’empreinte carbone proche de zéro. Aucun compte Instagram ne vient même raconter son périple, effectué bien plus sur l’asphalte que sur l’eau. Seul un vieux téléphone – doté d’un « forfait à 2 balles, vieux de vingt ans, que paient [ses] parents » – le connecte encore à sa vie d’avant.

Il vous reste 37.08% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Share.
© 2024 Mahalsa France. Tous droits réservés.